Le vrai bilan de la saison de Marco Verratti, partie 3 : l’Italien fait toujours partie du gratin des milieux jouant en Europe
En janvier dernier, nous avions réalisé une grande étude comparative permettant de confirmer que Verratti faisait bien partie du gotha du football européen à son poste. Puisque la deuxième partie de saison de l’Italien n’a soi-disant pas été bonne, nous avons actualisé les données sur l’intégralité de l’exercice 2022-2023 de Ligue 1. Et la conclusion de la trentaine de statistiques différentes analysées ici est sans appel : en dépit d’une saison moyenne pour lui, Verratti fait toujours partie des meilleurs mondiaux à son poste. Démonstration.
Pour réaliser cette étude comparative, nous avons constitué un panel des 25 meilleurs milieux de terrain évoluant en Europe. L’idée étant de situer Verratti dans la hiérarchie des milieux de terrain, ont été recherchés les meilleurs joueurs évoluant aux mêmes postes que lui (sentinelle, double pivot ou relayeur), même si tous n’interprètent évidemment pas le poste de la même manière.
La liste des milieux retenus dans notre étude, forcément subjective, est la suivante : Pedri, Gavi et De Jong (Barcelone), Modric, Tchouameni et Kroos (Real Madrid), Rodri, et Gundogan (Manchester City), Rice (West Ham), Guimaraes (Newcastle), Partey et Xhaka (Arsenal), Casemiro (Manchester United), Kimmich et Goretzka (Bayern), Bellingham (Dortmund), Barella et Brozovic (Inter), Milinkovic-Savic (Lazio), Bennacer et Tonali (Milan), Anguissa (Naples), Rabiot (Juventus) et Fofana (Lens).
Par rapport à la liste de joueurs de l’étude de janvier, nous avons exclu De Bruyne, positionné plutôt en deuxième attaquant et Alcantara, trop souvent blessé. A leur place, figurent dans cette analyse le Lensois Fofana et le Gunner Xhaka.
Comme on le voit, des joueurs au profil de numéro 10 comme Odegaard (Arsenal) n’ont pas été inclus pour rester sur des joueurs évoluant plutôt comme sentinelle ou relayeur.
Ensuite nous avons comparé les stats de ces 24 joueurs dans leur championnat pour la saison 2022-2023 à celles de Verratti cette saison. Bien sûr, l’exercice a ses limites puisque les championnats, les contextes, les systèmes de jeu, diffèrent.
Mais la comparaison apporte quand même beaucoup d’éléments intéressants que nous avons classés en 5 rubriques : l’efficacité offensive (buts, passes décisives), la présence offensive (tirs, passes clés…), la capacité à faire progresser le ballon (mètres gagnés, passes réussies vers la surface…), la maîtrise technique (ballons perdus, dribbles réussis…) et l’activité défensive (tacles, duels…).
Il s’agit des mêmes thématiques que celles utilisées dans les deux premiers volets du bilan de la saison de Verratti, à savoir la comparaison de la saison de l’Italien par rapport à sa carrière au PSG et par rapport aux autres milieux parisiens de la saison écoulée.
Domaine | Classement de Marco Verratti |
---|---|
Efficacité offensive | Hors Top 25 |
Présence offensive | Top 25 |
Capacité à faire progresser le jeu | Numéro 2 |
Maîtrise technique | Numéro 1 |
Activité défensive | Top 4 |
Efficacité offensive : hors Top 25
On commence par là où le bât blesse : les insignifiantes stats offensives de Marco Verratti.
Dans notre panel des 25 meilleurs milieux de terrain, l’Italien est le seul à ne pas avoir inscrit le moindre but ni délivré la moindre passe décisive cette saison en championnat !
Pire même, il n’y a qu’un autre joueur qui n’a pas marqué (Tchouameni) et un seul qui n’a pas donné de passe décisive (Partey). Tous les autres, ont au moins une passe décisive ET un but…
A ce petit jeu, c’est le Serbe, en partance pour l’Arabie Saoudite, Milinkovic-Savic qui s’est le plus illustré : il est à la fois le meilleur buteur avec 9 buts et le meilleur passeur avec 8 passes décisives !
Les « zéros pointés » de Verratti font vraiment tâche dans le paysage. Ses défenseurs nous répondront que ce n’est pas son job et qu’il y a des joueurs dans l’effectif parisien dont c’est au contraire la spécialité. Certes, mais de là à avoir une production totalement vierge sur toute une saison, ce n’est pas normal. Passe encore éventuellement pour les buts, mais avec la qualité des attaquants du PSG, c’est quand même très surprenant qu’il n’ait pas de passe décisive à son actif.
La moyenne de notre échantillon est de 4.3 buts et 4.2 passes décisives. On notera au passage qu’aucun milieu parisien de la saison écoulée n’atteint ces moyennes puisque les meilleurs sont Fabian (3 buts-2 passes) et Vitinha (2 buts-3 passes).
On peut légèrement relativiser les stats de Verratti en se penchant sur les stats avancées. Les expected goals et expected assists montrent qu’en fait, plusieurs joueurs (Rice, Bennacer et Partey) créent encore moins d’occasions que Verratti. Mais ils ont été plus réalistes, ou leurs attaquants ont été plus réalistes que ceux du PSG.
Verratti est par exemple crédité de 2.95 xA (soit 0.12 par 90 minutes), ce qui le situe à la porte de la moyenne de notre panel pour cet indicateur (0.15). En d’autres termes, si Mbappé & Co avaient transformé les offrandes du petit Italien, il aurait eu plusieurs passes décisives au compteur.
Présence offensive : Top 25
Pour marquer, il aurait déjà fallu que Verratti tire. Or, en 29 matches de Ligue 1, il n’a tenté sa chance qu’à 8 reprises…
Sa moyenne de tirs (0.3/90 minutes) est logiquement la plus basse de notre échantillon. De Jong est avant-dernier avec le double de fréquence de tirs :
C’est le Lensois Fofana qui domine ce classement, devant Bellingham et Goretzka.
Mais pour frapper au but ou être décisif, il faudrait déjà mettre les pieds dans la surface adverse. Or, notre cher Marco est assez frileux à ce niveau. Avec une moyenne de 1.1 ballon touché dans la surface adverse, il se situe plutôt dans le dernier tiers de notre panel de joueurs, dont la moyenne est de 1.9 :
Tous les milieux de Manchester City touchent plus de ballons que Verratti dans la surface adverse. Même Rodri, de sa position plus reculée, ou encore Stones (absent de cette étude), mi défenseur central-mi milieu de terrain, en touchent plus que lui (1.3 contre 1.1).
Cette saison en Ligue 1, il a touché au moins un ballon dans la surface adverse lors de seulement 14 matches sur 29 ! Il compte donc plus de matches sans (15) qu’avec au moins un ballon joué dans les 18 mètres adverses ! On note néanmoins une fin de saison plus prolifique que la première partie :
Bellingham mène un trio composé de Gundogan et Xhaka en ce qui concerne cette stat des ballons joués dans la surface.
Rarement utilisé « en bout de chaîne », à la conclusion des offensives, Verratti est évidemment au contraire beaucoup plus à l’aise en début d’action.
Il a réalisé en moyenne en 2022-2023 3.4 actions se terminant par un tir. Cette stat s’intéresse aux deux actions qui précèdent un tir, comme un dribble, une passe, une faute provoquée, un ballon récupéré… Elle permet de rendre justice à des joueurs comme l’Italien, rarement à la conclusion, mais qui sont souvent, par exemple, avant-dernier passeur.
Ces 3.4 actions amenant un tir situent le joueur parisien juste au-dessus de la moyenne de notre liste de cracks du milieu de terrain :
C’est le Munichois Kimmich qui domine ce classement des actions amenant un tir, devant les Madrilènes Modric et Kroos.
Un autre indicateur un peu sophistiqué (fourni par le site understat.com) vient un peu rendre justice à la participation de Verratti aux offensives de son équipe. Il s’agit de l’expected goal Chain (xG Chain). Cette data mesure la contribution de chaque joueur ayant participé à une phase de possession aboutissant à un tir. Plus le xG Chain est élevé, plus le joueur est impliqué dans des offensives débouchant sur un tir de son équipe.
Sa moyenne de xG Chain de la saison est de 1 par 90 minutes. Il est donc impliqué dans des offensives devant générer un but par match en moyenne. Il s’agit du 3ème total parmi les 25 joueurs analysés ici :
Au final, le bilan reste quand même mitigé pour Verratti, très à l’aise à la création d’occasions mais pas assez impliqué dans le dernier tiers par rapport aux autres milieux de terrain stars de notre étude.
Capacité à faire progresser le jeu : Numéro 2
On a vu dans le volet consacré aux milieux parisiens de 2022-2023 que Verratti survolait les débats quand il s’agissait d’évaluer la capacité des joueurs à faire progresser le ballon en direction du but adverse. Mais qu’en est-il quand on le compare aux cadors européens ?
Et bien, selon les données à notre disposition, l’Italien se classe tout simplement au 2ème rang de l’ensemble des milieux de terrain évoluant en Europe. Seul l’Allemand Kroos fait encore mieux que lui.
La stat la plus parlante est celle des mètres gagnés, que ce soit par la passe ou par la conduite de balle. Elle mesure cette capacité à faire avancer le ballon en direction du but adverse et donc à créer potentiellement du danger dans la défense adverse.
Au global des deux indicateurs, Kroos mène la danse avec en moyenne 821 mètres gagnés. Il domine le classement de la distance gagnée par la passe et est 3ème par la conduite de balle.
Verratti est second avec 739 mètres, dont 513 par la passe (2ème) et 226 par la conduite (2ème aussi). De Jong (Barcelone) est 3ème avec 603 mètres (1er aux mètres gagnés par la conduite de balle).
Rabiot (241) et Gavi (193) sont en queue de peloton. La moyenne de notre Top 25 est de 388 mètres. C’est dire l’écart creusé par le trio de tête par rapport aux 22 autres.
On retrouve, assez logiquement, ce même trio infernal (Kroos-Verratti-De Jong) dans le classement des passes progressives (c’est-à-dire les passes faisant avancer le ballon d’au moins 9 mètres) :
Kroos domine nettement avec 13.3 passes progressives, devant Verratti (10.7) et Kimmich (10.1). Rabiot (4.4) et Fofana (4.8) ferment la marche. La moyenne des milieux de notre étude est de 7.1.
Mais Verratti n’a pas dit son dernier mot et truste la première place d’un autre indicateur de progression : les passes réussies vers la surface de réparation (hors coups de pied arrêtés)
Avec 2.3 passes, le joueur du PSG devance les habitués Kimmich (2.2) et De Jong (2.1). Kross est de manière un peu surprenante assez loin derrière (2.1).
Rice (0.4) et Tchouameni (0.5) sont à la traîne, et la moyenne de notre panel de 25 milieux est de 1.2 passe réussie vers la surface adverse.
Au final, Verratti se classe numéro 2 européen de cette thématique relative à la progression du ballon, derrière l’inusable Toni Kroos.
Maîtrise technique : Numéro 1
Comment a-t-on essayé d’évaluer la maîtrise technique ? En combinant volume de jeu, sécurisation du ballon, précision des passes et capacité d’élimination. C’est évidemment partiel et critiquable mais permet d’englober pas mal d’aspects du jeu avec ballon et d’utiliser plusieurs datas disponibles.
Et qui est le numéro un des milieux de terrain européens de la saison 2022-2023 de cette catégorie ? Notre ami Marco pardi ! Pas si mal pour un joueur à la saison soi-disant ratée…
Commençons par le volume de jeu, apprécié par le nombre de ballons joués. Dans ce domaine, il n’y a pas photo entre Verratti et les autres milieux évoluant en Europe :
Verratti survole cet aspect du jeu. Il est le milieu européen qui touche le plus de ballons par match, devant Kroos et Rodri.
Il est aussi l’un des trois avec le plus haut pourcentage de passes, derrière les Madrilènes Kroos et Tchouameni :
Bon, d’accord, c’est bien beau ces ballons joués et ces passes réussies, mais si c’est pour jouer à la baballe au milieu du terrain ou avec ses centraux, cela n’apporte rien. Pourtant, les stats de la thématique précédente, « capacité à faire progresser le ballon », nous ont indiqué qu’au contraire, Verratti était celui qui se risquait le plus à jouer vers l’avant et à essayer de créer le danger.
Donc, ces stats de ballons joués et de pourcentage de passes réussies, associées à celles du jeu vers l’avant vues précédemment, prennent tout leur sens et témoignent d’un joueur à la fois sûr et courageux.
Et ce n’est pas fini. On peut également ajouter qu’il est l’un des joueurs qui perd le moins souvent le ballon. Ses turnovers ne représentent que 9 % des ballons que Verratti joue, soit le 2ème taux le plus bas après Tchouameni, dans un style plus conservateur.
On termine ce chapitre consacré à la maîtrise technique par les stats de dribble permettant d’évaluer la capacité d’élimination.
Comme on le voit sur le graphique ci-dessous, avec 1.2 dribbles réussis, Verratti se situe dans le Top 10 de notre panel.
A l’inverse, un Toni Kroos (ou un Joshua Kimmich ) très souvent leader dans les stats de progression du ballon ou de passes réussies, est cette fois en queue de peloton. On a là un des indices de la polyvalence de Verratti, capable de conserver le ballon, de le faire avancer par la passe, mais aussi de prendre des risques par le dribble. Ce qui n’est pas forcément le cas de tout le monde…
Au final, dans cette catégorie de la maîtrise technique, Verratti est le numéro 1 de notre panel des milieux de terrain européens de la saison 2022-2023.
Activité défensive : Top 4
Pour terminer cette présentation des stats des meilleurs milieux de terrain de la saison 2022-2023, nous nous sommes penchés sur les datas défensives.
C’est le domaine (avec les buts) où l’Italien a réalisé une de ses plus mauvaises saisons en carrière. Et malgré cela, il se situe toujours parmi les cinq meilleurs milieux de terrain.
On en veut pour preuve tout d’abord son nombre de tacles réussis :
Avec 3.1 tacles réussis par 90 minutes, Verratti n’est devancé que par l’expert des missions défensives Casemiro. Ce dernier n’a d’ailleurs pas baissé son rendement en changeant de club (du Real à Manchester United).
Les joueurs qui accompagnaient Marco dans les stats de jeu vers l’avant et de maîtrise technique (Kroos, Rodri, Kimmich, De Jong) sont nettement derrière lui en termes de tacles.
Si l’on ajoute aux tacles les dégagements et les interceptions, pour avoir une vision plus exhaustive des interventions défensives, Verratti descend un peu dans la hiérarchie mais se situe toujours dans le peloton de tête, entre Partey et Bellingham :
C’est notamment à cause de son très faible nombre de dégagements (les têtes sur corner défensif par exemple) que Verratti se fait dépasser par des joueurs comme Tchouameni ou Rice.
Pour compléter le tableau des actions défensives, on peut ajouter les stats de duels pour lesquelles Verratti maintient sa position parmi les meilleurs milieux d’Europe.
Avec 6.9 duels gagnés par 90 minutes, il est effectivement 6ème d’un classement dominé par Bellingham (9), Milinkovic-Savic (7.9) et Casemiro (7.6)
Au global, on peut donc situer, pour la partie défensive du job de milieu de terrain, dans un Top 4 comprenant également Tchouameni, Casemiro et Bellingham.
Absent des débats pour les aspects offensifs du dernier tiers, mais meilleur milieu d’Europe ou dans les tous meilleurs pour les aspects techniques, la progression du ballon et l’activité défensive, la place de Marco Verratti dans la hiérarchie européenne peut toujours poser question.
Pour nous, le débat est néanmoins clos : même en réalisant une saison moyenne par rapport à ses standards, il se situe toujours dans le Top 5 des joueurs à son poste évoluant en Europe. Ses lacunes devant le but adverse, peu pénalisantes pour son équipe compte tenu du matériel à disposition en attaque, sont largement compensées par tout ce qu’il apporte dans la préparation des offensives, la sûreté technique et l’abattage défensif.
A l’analyse des différentes datas du gratin des milieux européens, on constate d’ailleurs qu’aucun d’entre eux n’est capable d’être au top de l’ensemble des compartiments du jeu.
Par exemple, un Casemiro ou un Tchouameni vont être très présents dans les aspects défensifs mais peu efficaces offensivement. A l’inverse, les milieux les plus offensifs de notre étude (Milinkovis-Savic, Pedri notamment) apparaissent peu dans les autres rubriques.
Dernier exemple : les joueurs très techniques comme Kroos, Rodri ou De Jong peinent défensivement, à la différence de Verratti.
Il n’y a peut-être que Bellingham, joueur hors normes, qui coche toutes les cases (buteur, dribbleur, défenseur…). Verratti n’est pas ce joueur-là. Mais il reste un des tous meilleurs à son poste, même en réalisant une saison banale pour lui.
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