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Analyses Saison 2022-2023

Marco Verratti fait-il partie des meilleurs milieux évoluant en Europe ?

La place de Marco Verratti dans la hiérarchie des milieux de terrain fait régulièrement l’objet de débat dans les médias et sur les réseaux sociaux, même au sein de la communauté parisienne. Mais plutôt qu’à Rongier et Veretout auxquels il est parfois curieusement assimilé, c’est au gratin européen que l’on a voulu comparer Verratti. Pourquoi ? Parce que l’Italien de 30 ans, malgré la pauvreté de ses stats offensives, appartient à cette caste là et pas à celle des honorables milieux de Ligue 1. La preuve en chiffres et en graphiques.

Pour réaliser cette étude comparative, il a d’abord fallu constituer le panel des 25 meilleurs milieux de terrain évoluant en Europe. L’idée étant de situer Verratti dans la hiérarchie des milieux de terrain, ont été recherchés les meilleurs joueurs évoluant aux mêmes postes que lui (sentinelle, double pivot ou relayeur), même si tous n’interprètent pas le poste de la même manière.

La liste des milieux retenus dans notre étude, forcément subjective, est la suivante : Pedri, Gavi et De Jong (Barcelone), Modric, Tchouameni et Kroos (Real Madrid), Rodri, De Bruyne, Gundogan (Manchester City), Rice (West Ham), Guimaraes (Newcastle), Partey (Arsenal), Casemiro (Manchester United), Thiago Alcantara (Liverpool), Kimmich et Goretzka (Bayern), Bellingham (Dortmund), Barella et Brozovic (Inter), Milinkovic-Savic (Lazio), Bennacer et Tonali (Milan), Anguissa (Naples) et Rabiot (Juventus).

Comme on le voit, des joueurs au profil de numéro 10 comme Odegaard (Arsenal) n’ont pas été inclus pour rester sur des joueurs évoluant plutôt comme sentinelle ou relayeur.

Ensuite nous avons comparé les stats de ces 25 joueurs dans leur championnat pour la saison 2022-2023 à celles de Verratti cette saison. Bien sûr, l’exercice a ses limites puisque les championnats, les contextes, les systèmes de jeu, diffèrent. Mais la comparaison apporte quand même beaucoup d’éléments intéressants que nous avons classé en 5 rubriques : l’efficacité offensive (buts, passes décisives), la présence offensive (tirs, passes clés…), la capacité à faire progresser le ballon (mètres gagnés, passes réussies vers la surface…), la maîtrise technique (ballons perdus, dribbles réussis…) et l’activité défensive (tacles, duels…).

DomaineClassement de Marco Verratti
Efficacité offensiveHors Top 25
Présence offensiveHors Top 25 (cette saison)
Capacité à faire progresser le jeuNuméro 1
Maîtrise techniqueNuméro 1
Activité défensiveTop 5

Efficacité offensive : hors top 25

On commence par là où le bât blesse : les insignifiantes stats offensives de Marco Verratti. Dans notre panel des 25 meilleurs milieux de terrain, il est le seul, avec Thiago Alcantara, à ne pas avoir inscrit le moindre but ni délivré la moindre passe décisive cette saison en championnat !

Ses défenseurs nous répondront que ce n’est pas son job et qu’il y a des joueurs dans l’effectif parisien dont c’est au contraire la spécialité. Certes, mais de là à avoir une production totalement vierge à mi-saison, ce n’est pas normal. Passe encore éventuellement pour les buts, mais avec la qualité des attaquants du PSG, c’est quand même très surprenant qu’il n’ait pas de passe décisive à son actif.

La moyenne de notre échantillon est de 2 buts et 2.6 passes décisives. Ce n’est certes pas colossal. Mais :

  • les 3 milieux les plus prolixes offensivement (De Bruyne, Milinkovic-Savic et Barella) sont à au moins 10 buts+passes décisives
  • dans une équipe du PSG qui marque autant de buts (2.5 buts/match, 3ème attaque d’Europe), il est illogique qu’un milieu de terrain soit aussi peu décisif
  • ni son manque de buts, ni celui des passes décisives ne sont dus à un manque de réalisme de sa part ou de ses coéquipiers. Il n’a en effet généré que 0.2 expected goal et 0.6 expected assists. Ses moyennes d’xG et d’xA ramenées à son temps de jeu en font toujours le milieu le moins productif offensivement parlant
  • il est malheureusement coutumier du fait (pour les buts surtout) puisque ses moyennes par saison sont de 0.7 but et 3.8 passes décisives (soit 7 buts et 38 passes décisives en 341 matches)

Sa meilleure saison remonte à 2014-2015 où il avait marqué 2 buts et surtout donné 8 passes décisives. Cette saison-là il termine 2ème passeur du club derrière Pastore (12).

En 5 saisons et demi avec Neymar et Mbappé, deux énormes buteurs, il ne leur a donné en tout que 6 passes décisives (3 chacun) en Ligue 1…

Durant sa carrière, ce sont Ibrahimovic (qui a quitté le club en 2016) et Cavani (départ en 2020) qui sont toujours les deux meilleurs buteurs en Ligue 1 sur des passes de Verratti. L’Italien a donné plus de passes dé à Lucas qu’à Neymar ou Mbappé !

Présence offensive : hors top 25 (cette saison)

Bon d’accord, c’est un fait, Verratti n’est pas du tout attiré par le but. Pour cela, il faudrait déjà qu’il tente plus souvent sa chance.

En 16 matches de Ligue 1, il n’a tiré que 3 fois au but cette saison. Il a donc autant frappé au but sur une demi-saison que De Bruyne en moyenne sur un match !

Avec 2.7 tirs/90 minutes (45 tirs en 19 matches), De Bruyne domine nettement ce classement des milieux de terrain. La saison dernière, le Belge avait tiré 78 fois en Premier League. C’est plus que Verratti sur l’ensemble de ses 10 saison au PSG (71 tirs)…

La saison en cours n’a en outre rien d’exceptionnel pour l’Italien. Sa moyenne de tirs est à peu près la même qu’en carrière (0.2 contre 0.3). C’est d’ailleurs trois fois que la moyenne des milieux de terrain parisiens sous QSI (0.9 tirs/90 minutes).

Ce qui est plus inhabituel en revache, c’est la faiblesse de l’apport offensif de Verratti en termes de passes clés (passe débouchant sur un tir d’un coéquipier) ou plus globalement d’actions amenant un tir. Pour ces deux indicateurs, il est en toute fin de peloton de notre panel de cracks européens :

Il tourne cette saison à 2.3 actions amenant un tir (c’est à dire que ses passes, coups francs, fautes provoquées, tirs, ballons récupérés… amènent en moyenne 2.3 tirs par match de ses coéquipiers) alors que la moyenne de notre panel est de 3.5. Seul Brozovic (Inter) fait moins bien que lui.

Il est pour le moment cette saison nettement en retrait par rapport à ses saisons précédentes. Avant cette campagne, il n’était jamais descendu sous les 3.4 actions amenant un tir par 90 minutes.

Pour les passes clés également il connaît sa moins bonne campagne :

Il tourne pour la première fois en carrière sous la moyenne de 1 passe clé par 90 minutes. Un comble là encore quand on connaît le « matos » offensif sur le terrain côté parisien. Et ce n’est pas spécialement son poste qui est en cause puisqu’il a, au fil des années, régulièrement alterné entre les postes de double pivot, de sentinelle ou de milieu relayeur (gauche).

Il n’a pas donné la moindre passe clé lors de 10 matches de Ligue 1 cette saison (sur 16 disputés !), contre seulement 6 sur l’ensemble de la saison précédente.

Mais pour être productif offensivement, il faudrait déjà être davantage présent. Or Marco touche moitié moins de ballons dans la surface adverse que notre échantillon des 25 meilleurs milieux de terrain :

Tous les milieux de Manchester City touchent plus de ballons que Verratti dans la surface adverse. Même Rodri, de sa position plus reculée, en touche deux fois plus que lui (1.8 contre 0.9).

Cette saison en Ligue 1, il a touché au moins un ballon dans la surface adverse seulement lors de 5 matches ! Il a donc plus de matches sans (11) qu’avec au moins un ballon joué dans les 18 mètres adverses !

En conclusion de ce chapitre concernant l’apport offensif, on peut considérer que les productions de Verratti sont très nettement inférieures aux meilleurs milieux de terrain mais qu’il connaît cette saison une année en baisse importante dans ce secteur du jeu.

Capacité à faire progresser le jeu : Numéro 1

Passons désormais aux secteurs de jeu où l’Italien exprime toute sa magie.

Dans cette partie, cinq indicateurs vont être mobilisés pour apprécier la capacité des milieux à faire progresser le jeu de leur équipe :

  • l’expected threat : cet indicateur évalue la capacité d’un joueur à amener la balle, par la passe ou la conduite, dans des situations dangereuses
  • les mètres gagnés par la passe : on mesure la distance parcourue par le ballon lorsque la passe est faite en direction du but adverse
  • les passes réussies vers le dernier tiers : on compte les passes réussies entrant dans le dernier tiers du terrain (hors coups de pied arrêtés)
  • les passes réussies vers la surface adverse
  • les passes progressives : passes faisant gagner au moins 10 mètres (hors passes réussies en phase défensive)

Pour chacun de ces cinq datas, dont certaines se recoupent certes, Verratti se situe sur le podium des milieux de terrain de notre étude. De Bruyne, Kroos et Kimmich sont les autres milieux les plus souvent classés dans le top 3 pour ces indicateurs. Que du beau monde donc !

Commençons par les expected threat. Si l’on additionne les dangers créés par la passe et par la conduite de balle, Verratti est 2ème derrière De Bruyne. Les moins créatifs sont Anguissa, Rice et Goretzka.

Les expected threat récompensent les joueurs qui savent amener le ballon vers les zones dangereuses, sans pour autant que ces passes soient décisives ou qu’elles génèrent elles-mêmes un tir. Cet indicateur met en lumière les joueurs importants situés à la base de l’élaboration des attaques, comme l’est Verratti.

Ce phénomène est confirmé par la stat des passes réussies vers la surface de réparation. Pour cet indicateur, Verratti se classe 3ème, derrière l’inévitable De Bruyne et Kimmich :

Pour les passes progressives, Verratti se classe 2ème, cette fois derrière l’Allemand Kroos :

D’ailleurs, en Ligue 1, parmi les 20 équipes du championnat, il n’y a que Messi (10/90 minutes) qui délivre plus de passes progressives que Verratti.

L’Italien est également 2ème de notre panel de milieux de terrain des championnats européens en ce qui concerne les passes réussies vers le dernier tiers du terrain. Il est simplement devancé par Kroos une nouvelle fois.

Logiquement, le joueur du Real est le milieu de notre étude qui fait le plus avancer le ballon par la passe. Ses nombreuses transversales permettent au ballon d’avancer de 607 mètres en moyenne (par 90 minutes). Verratti, avec davantage de passes courtes, est encore deuxième avec 518 mètres :

L’écart entre les premiers de ce classement qui gagnent au moins 400 mètres et les derniers (Gavi, Rabiot, Goretzka) qui sont entre 100 et 200 mètres est très important.

Cette stat des mètres gagnés est certes dépendante du positionnement du joueur sur le terrain et du style de jeu de l’équipe. Mais la 2ème place de Verratti reflète bien l’ensemble des indicateurs étudiés dans ce chapitre consacré à la capacité à faire progresser le ballon.

Maîtrise technique : Numéro 1

Techniquement parlant, il y a peu de milieux de terrain au niveau de Marco Verratti en Europe aujourd’hui. Plusieurs indicateurs vont nous permettre de démontrer cela.

Le volume de jeu de Verratti est sans égale parmi le gratin des milieux de terrain. Il touche en moyenne 120 ballons toutes les 90 minutes, alors que la moyenne des 25 milieux choisis dans notre étude est de 79 !

L’écart entre Verratti et les autres milieux est incroyable.

Bon OK, mais il en fait quoi du ballon Verratti ? Bah, on a vu dans le thème précédent qu’il n’avait pas son pareil pour amener le ballon vers les zones dangereuses. Et, en outre, il perd très peu de ballons, même sous pression.

L’Italien ne perd en effet que 10 ballons toutes les 90 minutes. Cela représente 8 % des ballons qu’il touche et personne n’est plus précautionneux avec le cuir que lui parmi notre panel de top milieux :

La différence avec De Bruyne, qui perd 28 % des ballons qu’il joue, est colossale. On a vu précédemment que le Belge n’avait pas d’équivalent pour être décisif aux avant postes. Mais il le fait, logiquement, avec beaucoup de déchet.

L’indicateur des passes réussies a ses limites (il ne tient pas compte de la difficulté des passes tentées) mais il confirme quand même que l’Italien est plutôt ami avec le ballon. 93.7 % de passes réussies. Seul Kroos fait mieux parmi les 25 milieux retenus dans cette étude :

Et plusieurs stats de cette étude nous ont montré que l’Italien n’est pas si prudent que ce taux de passes réussies pourrait le faire croire. On a en effet vu précédemment qu’il faisait partie des joueurs qui gagnaient des mètres par la passe et amenaient le ballon dans les zones les plus dangereuses.

La dernière stat de ce chapitre nous montre en outre qu’il prend des risques balle au pied, par le dribble notamment, et avec réussite. Il passe en effet 1.4 dribbles par 90 minutes, ce qui en fait le 3ème meilleur dribbleur de notre panel de milieux de terrain. Bellingham est loin devant avec 2 :

La saison 2022-2023 est pourtant l’une des moins bonnes de l’Italien dans ce domaine puisqu’il tourne en moyenne en carrière en Ligue 1 à 2 dribbles réussis :

Gros volume, capacité à éliminer, hyper sûr balle au pied : sur ce chapitre de la maîtrise technique, Verratti coche toutes les cases et figure à la première place des milieux de notre étude. Au coude-à-coude avec Kroos et Rodri en termes de ballons joués et de pourcentage de passes réussies, il se détache grâce aux dribbles réussis (où Rodri et Kroos sont clairement derrière lui).

Activité défensive : Top 5

Dernier thème de notre étude consacré aux meilleurs milieux européens : le jeu sans ballon. Les datas disponibles sont moins nombreuses mais elles permettent néanmoins de positionner Verratti parmi les meilleurs milieux défensifs de notre panel.

Bien sûr, comme pour tous les domaines choisis dans cet article, des joueurs ne figurant dans notre liste des 25 milieux sont sûrement experts d’un secteur. Mais la liste faite ici concentre les joueurs les plus complets à nos yeux.

Si l’on se concentre sur les tacles, Verratti est 2ème de notre panel, derrière Casemiro :

Naturellement, dans ce domaine, les manieurs de ballon comme De Bruyne sont loin derrière.

C’est avec ce genre de stat que l’on apprécie toute la polyvalence de Verratti, capable de rivaliser avec les meilleurs créateurs mais aussi avec les milieux plus défensifs, voire destructeurs. On remarquera la belle et surprenante présence de Bellingham à la 4ème place.

Si l’on cumule maintenant l’ensemble des stats défensives à disposition (taclesn interceptions, dégagements), Verratti recule au 5ème rang :

C’est son faible niveau de dégagements qui explique le recul de l’Italien, peu présent notamment sur les corners ou centres pour repousser de la tête. En cumulé, il devance quand même des joueurs comme Rice, Partey ou Kimmich.

En termes de duels, il occupe une belle 5ème place dans notre étude avec 7.4 duels gagnés, malgré un physique moins imposant que le trio de tête Bellingham-Casemiro-Milinkovic Savic :

5ème aux duels et aux interventions défensives, 2ème aux tacles : Verratti figure indiscutablement dans le Top 5, voire mieux, de notre échantillon des meilleurs milieux évoluant en Europe pour la partie défensive du job.

Classement général : Top 5

Alors, que conclure de tout cela ? Les excellents classements de Verratti dans les secteurs défensifs, de la maîtrise technique et de la progression du ballon, compensent-ils ses lacunes offensives ?

On serait tenté de répondre par l’affirmative pour deux raisons :

  • les besoins de l’équipe : ça arrange effectivement ses affaires puisqu’il n’excelle pas dans ce domaine, mais clairement, marquer des buts n’est pas ce qu’on lui demande au PSG, tant il y a a priori d’experts pour cela.
  • la moyenne des 25 meilleurs joueurs de notre panel est de 2 buts et 2.6 passes décisives. La saison du PSG serait-elle fondamentalement différente si Verratti avait inscrit 2 buts et délivré 2 ou 3 assists ? On ne le pense pas.

Certes, le fait qu’il frappe si peu peut représenter un inconvénient à l’abord de la surface puisque les défenseurs adverses savant par avance qu’il ne va pas tirer. Mais, il n’est jamais trop tard pour s’y mettre et ses coéquipiers, Messi en tête, lui ont déjà conseillé de plus tirer.

Où dès lors positionner Verratti dans ce classement de 25 joueurs qui jouent tous milieu de terrain mais avec des profils et des schémas de jeu différents les uns des autres ? Par sa polyvalence rare et sa domination dans deux des cinq domaines étudiés ici, il figure forcément parmi les cinq meilleurs milieux évoluant en Europe.

A l’époque où seules les stats de buts et de passes décisives étaient disponibles, il était encore possible de minimiser l’influence de Verratti sur le jeu (et encore…). Mais depuis que les stats avancées existent et qu’elles permettent de rendre justice et de mieux valoriser le talent des joueurs qui font autre chose que marquer et offrir des buts, il n’est plus entendable de remettre en cause les apports de l’Italien.

Le « Hibou » est d’ailleurs régulièrement loué par les plus grands techniciens (Guardiola en tête) et par les milieux de la nouvelle génération qui s’inspirent de lui.

Mais quid de son impact offensif nul ? Il n’est en fin de compte peut-être pas plus rédhibitoire que l’impact défensif nul de De Bruyne. Et, pourtant, personne ne peut contester que le Belge figure parmi les 3 meilleurs milieux évoluant en Europe. Et Rongier dans tout ça ?

Sources des statistiques : Whoscored, Fbref, Soccerment, Sofascore

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