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Yacine Hamened : « Les stats doivent confirmer ou nuancer une performance mais elles ne doivent pas être l’argument massue. »

Yacine Hamened, responsable technique du CO Cachan et rédacteur pour le site Paris United, est le troisième intervenant de notre série d’interviews consacrées à l’utilisation des stats dans le foot. Connaissant sa prudence, pour ne pas dire plus, à manipuler les stats, nous avons voulu échanger avec lui à ce sujet. Attention, ça décoiffe !

Paris Stats germain (PSG) : Quel est ton avis général sur l’utilisation des stats dans le foot ?

Yacine Hamened (YH) : La statistique est un outil. Aujourd’hui, dans le football, on s’en sert pour recruter, pour valoriser ou pour justifier. Or, j’ai surtout l’impression qu’elle sert à justifier une prestation et on choisit trop celle qui nous arrange pour cela.

PSG : Quels intérêts vois-tu quand même à l’utilisation des stats ?

Tous les outils sont intéressants, encore faut-il l’utiliser à bon escient. Les stats doivent confirmer ou nuancer une performance mais elles ne doivent pas être l’argument massue. Mais évidemment qu’il y a de nombreux intérêts à chiffrer certaines données du match comme les courses à haute intensité, le nombre de passes vers l’avant etc…

PSG : Quels inconvénients vois-tu dans l’utilisation des stats ?

Comme je l’ai dit, l’inconvénient serait de tout vouloir expliquer ou justifier par les chiffres. L’autre inconvénient est qu’une stat n’est pas un chiffre brut. Il faut le détailler, le comprendre.

PSG : Y-a-t-il des stats qui t’énervent plus particulièrement ?

Il y en a deux. Le nombre de passes réussies est insupportable. Ce n’est pas parce que vous réussissez 95% de vos passes que vous avez réalisé une bonne performance. Où, quand, comment, dans quelle zone, pour éliminer combien de joueurs, la prise de risque, tout ça n’est jamais détaillé.

L’autre stat, ce sont les expected goals. Est-ce la même chose d’avoir une occasion à l’angle de la surface à la 12ème minute, à la 38ème et la 77ème ? Est-ce que ce même ballon est aussi simple à jouer quand vous avez Van Dijk ou Marcelo devant vous, et que vous avez Navas ou Landreau dans le but ? Bref, cette stat est devenue à la mode alors qu’elle est juste inutilisable.

PSG : Quelles sont les stats que tu trouves néanmoins pertinente pour analyser un match (au niveau collectif ou individuel) ?

Les courses à haute intensité, le nombre de passes vers l’avant. Après, beaucoup de stats sont intéressantes si elles sont bien utilisées et comprises.

PSG : Les stats peuvent-elles aider à analyser un match ? Si oui, comment ?

Oui, bien sur, si elles servent d’outils et pas de vérité absolue. Par exemple, les mètres gagnés par un joueur. Si vous faites cinq passes vers l’arrière de cinq mètres, vous perdez 25 mètres. Si vous réalisez une passe par-dessus la défense de quarante mètres, au total vous avez donc gagné quinze mètres alors que sur six ballons, vous en avez joué cinq sur six. On peut faire le même constat sur les passes réussies.

PSG : Les stats peuvent-elles aider à évaluer un joueur, sur un match ou surtout au moment du recrutement ?

Là aussi elles peuvent servir d’outil mais pas de vérité. Un latéral réussit huit centres. Ok, mais comme le football est un jeu d’association, est-ce qu’il les réussit parce qu’il est très fort ou parce que son milieu le met dans les conditions idéales ? Est-ce qu’il les réussit parce que l’attaquant fait les bons appels ? Encore une fois, la stat doit confirmer une vision, un ressenti mais elle ne doit pas être la vérité.

PSG : Te sers-tu des stats dans ton activité pro ?

Je les regarde mais je ne m’en sers pas particulièrement parce qu’elles manquent de précision pour être utilisables (passes réussies mais vers l’avant, latéral ou l’arrière, kilomètres parcourus mais quel pourcentage à très haute intensité etc…).

PSG : De ce que tu vois, les stats sont-elles beaucoup regardées et utilisées par les médias ? Les clubs ? Les joueurs ?

Oui, elles sont regardées et utilisées mais plus pour se défendre d’une prestation. Par exemple, les joueurs, aujourd’hui, justifient une prestation par le nombre de passes réussies. Or, si vous n’avez pris aucun risque, que vous n’avez créé aucun décalage, mais aussi aucun doute chez l’adversaire, vous pouvez même avoir réussi 100% de vos passes, cela ne signifie pas que vous avez réalisé un bon match.

PSG : Comment améliorer l’utilisation des stats dans les médias ?

Déjà en les expliquant, en les détaillant. Mais surtout, il faut arrêter de les balancer comme ça, juste comme un chiffre, en plein match, comme si elle suffisait à noter une prestation. Il faut absolument qu’elles soient expliquées et nuancées.

PSG : Quelle stat non utilisée aujourd’hui te semblerait pertinente à créer ou rendre accessible au grand public ?

Le nombre de joueurs éliminés par une passe ou le nombre de déséquilibres créés. Contre City, Verratti a de nombreuses fois fait exploser leur pressing. En seconde période, j’ai l’image d’une passe vers Gueye ou il élimine 6 joueurs de City. Aucune stat n’explique cela et pourtant, ce sont des moments clés du match et une stat primordiale sur le rôle de Verratti dans cette équipe. De même, les km parcourus doivent être accompagnés de la distance à haute intensité.

PSG : Est-ce que tu regardes les stats du PSG ? Si oui, y-a-t-il des choses qui t’ont globalement marqué, positivement ou négativement ?

Oui je les regarde mais comme je l’ai déjà dit, je ne m’en sers pas particulièrement. En revanche, sur le PSG, si je devais retenir une statistique, c’est que le PSG court moins que ses adversaires. Quand c’est dans un match où il domine beaucoup et récupère la balle haut, pas de problème, mais quand c’est après un match de ligue des champions où il n’a pas eu le ballon et où ses actions partaient de plus bas, ça en dit long sur l’investissement global des joueurs de cette équipe.

Liens utiles :

  • Les autres interviews de cette série relative à l’utilisation des stats dans le foot
  1. Tripy Makonda : « Sans prise d’informations, tu ne joues pas au foot. Il faut trouver une stat qui mesure cela »
  2. Luis Fernandez : « J’ai tendance à me méfier des stats »
  3. François Pinet : « Les stats sont incontournables dans le debrief d’un match »
  4. David Aiello : « En choisissant un chiffre, tu fais un choix éditorial »
  5. Loïc Moreau : « L’apport des stats est bien supérieur aux limites qu’elles peuvent avoir »
  6. Nicolas Mondon : « On est encore dans la préhistoire du foot et de la data »
  7. Dan Perez : « Les stats vont te permettre d’aller t’intéresser à un joueur ou une équipe que tu n’aurais pas pu voir par toi-même »

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