Nouvelle data : les « expected passes »
Dans un article publié récemment sur son site internet, The Analyst a introduit la notion de « expected passes ». C’est tout simplement le pendant à la passe des « expected goals ». Cela permettra enfin de mesurer la difficulté des passes tentées.
Les stats de passes réussies sont régulièrement mises en avant pour apprécier la performance d’un joueur. Le pourcentage de passes réussies peut ainsi constituer un indicateur de la qualité technique d’un joueur.
Pourtant, on a bien conscience que, même s’il est utile, cet indicateur est en soi bien insuffisant puisqu’il ne dit rien de la difficulté des passes effectuées. On peut aisément en effet convenir que réussir 90 % de passes dans le camp adverse, ou 60 % de ses passes vers l’avant, n’a pas la même implication que des passes dans son propre camp ou vers l’arrière.
Le taux brut des passes réussies seul est donc insuffisant. Stats Perform (la société qui possède Opta) s’est donc emparé du problème et a bâti un indicateur permettant d’apprécier la difficulté de chaque passe. Ainsi, pour chaque passe effectuée, il est désormais possible de comparer sa réussite (a-t-elle trouvé un partenaire) à celle de la moyenne des joueurs dans la même situation.
On obtient ainsi les « expected passes » d’un joueur sur un match (ou sur une saison) à comparer à son taux réel de passes réussies. C’est exactement la même logique que pour les expected goals où l’on compare le nombre de buts marqués à celui de la moyenne des joueurs dans la même situation par le passé.
Comme les expected goals prédisent la probabilité qu’un tir soit marqué, les expected passes (xP) modélisent la probabilité qu’une passe soit réussie en prenant des informations sur la passe et la possession entourant celle-ci.
Les informations prises en compte pour évaluer la difficulté de la passe sont notamment les suivantes :
- Localisation sur le terrain du passeur et du receveur
- Angle de passe
- Distance de la passe
- Partie du corps utilisée pour faire la passe
- Est-ce un centre ? un coup de pied arrêté ?
- La passe est-elle au sol ou dans les airs ?
- Le joueur a-t-il porté la balle avant ?
- La possession dure-t-elle depuis longtemps ?
- A quelle vitesse le ballon s’est-il déplacé verticalement lors des trois actions précédentes ?
- …
La liste ci-dessous n’est pas exhaustive. C’est dire la complexité et la puissance du modèle. Vous pouvez retrouver tous les critères dans l’article.
Dans l’exemple ci-dessous, est présentée la valeur de chaque xP pour chaque passe effectuée lors d’une séquence d’un match entre United et Liverpool en 2021 :
On y voit que les passes de Thiago et de Philips, à l’intérieur de leur camp, ont une probabilité de succès très proche de 100 %. A l’inverse, celle de Firmino, plein axe, à l’approche de la surface, n’a plus que 86 % de chances de succès. On passe même sous les 50 % pour celle tentée par Robertson dans les 18 mètres (et qui dans la réalité n’aboutira effectivement pas).
Le site The Analyst est allé au bout de l’exercice et a calculé les xP de chaque joueur de Premier League de la saison dernière. Le classement est le suivant :
Ruben Dias (City) avait en moyenne la saison dernière 92.3 % de chances de réussir ses passes. Cela fait de lui le joueur de Premier League dont les passes tentées étaient les plus sûres (les moins risquées).
A l’inverse Nick Pope (gardien de Burnley) n’avait que 45.2 % de réussir les passes qu’il tentait.
L’étape finale consiste bien entendu à comparer les expected passes aux taux réels de passes réussies. Pour cela, Stats Perform a créé un indicateur appelé « Passes Completed Above Expected (PAx) » et qui mesure l’écart entre les passes réussies et les passes attendues.
A ce petit jeu, c’est Alexandre Lacazette (Arsenal) qui a le meilleur ratio : il a réussi la saison écoulée presque 8 % de plus de passes qu’attendu par le modèle. Il devance Jack Grealish (Villa) et Bernardo Silva (City).
On trouve ensuite le néo-Parisien Georginio Wijnaldum (dont les stats brutes n’avaient rien d’enthousiasmant la saison dernière). Ce PAx de 6.8 % signifie qu’il a un taux de passes réussies bien supérieur à celui d’un joueur lambda compte tenu des passes qu’il tente.
A l’inverse, le gardien de Leeds Illan Meslier (-3.7 %) et l’attaquant d’Everton Richarlison (-2.4 %) ont moins réussi de passes qu’ils n’auraient du.
Cette donnée fort pertinente n’est malheureusement pas encore disponible sur les sites habituelles de statistiques. Elle permettrait pourtant enfin de ne plus s’arrêter au simpliste taux de passes réussies pour évaluer un joueur et de pouvoir évaluer la difficulté des passes tentées.
La révolution qu’elle engendrera sera alors quasiment du même ordre que celle des expected goals dont l’utilisation, même dans les émission grand public, ne cesse de se développer. On a hâte d’avoir accès à ces données !
Liens utiles :
- L’article de The Analyst de septembre 2021
- Deux articles plus anciens du site Côté Stats sur le sujet : un de 2015, un autre en 2017