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François Pinet : « Les stats sont incontournables dans le debrief d’un match »

Nous reprenons le cours de notre série d’entretiens consacrés à l’utilisation des stats dans le foot avec François Pinet. Le journaliste de RMC Sport, sans être un expert de la data, a un regard très pertinent sur l’utilisation des stats, notamment par les médias, avec ses bons et ses moins moins bons côtés.

Paris Stats Germain (PSG) : Quel est ton avis général sur l’utilisation des stats dans le foot ?

François Pinet (FP) : Les stats ont un intérêt évident. C’est une façon de comprendre un match, même si les statistiques seules ne peuvent pas raconter la vérité d’une partie.

On ne peut pas commenter un match uniquement aux vues des statistiques. Par exemple, si on se contente de regarder la possession ou le nombre de tirs, ça ne dit absolument rien de la réalité d’un match.

Ensuite, les stats il faut être capable de les traiter pour en faire quelque chose. Une stat seule ne sert à rien. On peut prendre l’exemple des kilomètres parcourus et se dire qu’un joueur a le plus couru mais si c’est pour ne rien en faire du tout, ne rien créer, ça ne sert à rien.

Même chose pour le nombre de passes réussies au sujet duquel on voit parfois des chiffres incroyables, mais s’il s’agit uniquement de passes latérales ou de passes vers l’arrière, ça n’a aucun sens.

C’est pour ça que mon avis global est que les statistiques, c’est très intéressant et très utile, mais ça ne suffit pas pour lire un match.

PSG : Quel intérêt tu vois à l’utilisation des stats ?

FP : Sans être un Ayatollah des statistiques, sans tout baser sur elles, elles sont complémentaires de la vision que l’on a eue d’un match.

Typiquement, un joueur comme Busquets ou Jorginho avec l’Italie à l’Euro, si on ne focalise pas son attention sur lui pendant 90 minutes, on ne se rend pas compte à quel point c’est un maillon essentiel. On ne voit pas tout le travail effectué.

Mais le travail de déplacement, de courses, de récupérations, de passes, qui ne se voit pas forcément à l’œil nu, peut être mieux mis en valeur grâce aux statistiques. C’est le cas de manière plus générale pour les joueurs de l’ombre qui sont rarement les vedettes des matches.

Un match de foot, ce sont des émotions et tout ne s’explique pas par des statistiques. Mais c’est très bien d’avoir l’éclairage statistique pour confirmer ou contredire la vision que l’on a eue du match. Cela permet parfois d’ouvrir les yeux sur un joueur.

PSG : Y-a-t-il une stat qui t’énerve plus particulièrement ?

FP : Celle des passes réussies. Avoir réussi 80 ou 90 % de ses passes, ne signifie pas pour un joueur avoir réussi son match. C’est une aberration d’avoir cette stat seule. Il faut avoir à côté la partie du terrain où les passes ont été effectuées et la direction des passes. Là seulement il y a un intérêt.

Il ne faut plus utiliser la stat de passes seules, mais la mettre en perspective avec la difficulté des passes tentées, comme le font les expected passes.

PSG : Quelle est la stat que tu trouves vraiment pertinente pour analyser un match ?

FP : Il y a eu un changement important depuis quelques années parce que les stats se sont affinées.

Avant, pour analyser un match on avait seulement les tirs, les tirs cadrés, la possession, les duels. Ce sont des éléments qui ne se suffisent pas à eux-mêmes.

La stat qu’on utilise plus maintenant et qui m’intéresse, c’est celle de expected goals. Elles reflètent quand même plus la domination d’une équipe sur l’autre. On peut aussi mettre en évidence le problème d’efficacité d’une équipe. Elle permet également de relativiser la défaite d’une formation qui avait plus d’expected goals que l’autre. Cela traduit vraiment mieux la vision d’un match.

C’est la stat qui m’intéresse en priorité aujourd’hui. Mais dans les médias grand public, elle ne parle pas encore donc il faut bien réexpliquer à chaque fois ce que cela signifie. Il y a de la pédagogie à faire.

J’aime bien aussi la position moyenne des joueurs. Une fois le match fini, regarder ce graphique me semble assez parlant. Je trouve qu’on ne l’utilise pas assez. Cela apporte un éclairage sur le match de chaque joueur, en lien avec la composition de départ.

PSG : De ce que tu vois, les stats sont-elles beaucoup regardées et utilisées par les médias ? Les clubs ? Les joueurs ?

FP : RMC Sport utilise énormément les statistiques. Loic Moreau a été recruté de chez Opta justement pour être Monsieur Stats. Et pas seulement les stats grand public. Les stats sont de plus en plus utilisées et expliquées à l’antenne.

Comme les stats sont accessibles facilement à tout un chacun et que leur diffusion sur les réseaux sociaux est de plus en plus importante, les médias ne peuvent plus passer à côté de ça. Elles sont devenues incontournables dans un debrief de match.

La data est de plus en plus présente dans les clubs et les sélections. Ça dépend quand même des entraîneurs. Il y a des entraîneurs « vieille école » qui vont dire « arrêtez de m’emmerder avec les stats ». Mais il y a des coaches plus jeunes, plus modernes qui s’y intéressent grandement.

Il y a des gens recrutés dans les clubs qui analysent toutes les stats à fond et transmettent des rapports à l’entraîneur. Cela permet à l’entraîneur d’axer son discours sur certaines choses pour certains joueurs.

Je ne sais pas si les joueurs vont eux-mêmes voir leurs stats, mais ils reçoivent des rapports des clubs.

Les stats servent aussi pour le recrutement. Je sais que Toulouse a recruté plusieurs joueurs en se basant beaucoup sur les datas, notamment pour faire venir des joueurs issus de championnats mineurs. En fonction du profil recherché par le club, c’est la data qui les a orientés vers tel ou tel joueur. La data facilite le travail des recruteurs et cela fonctionne très souvent.

Ce n’est pas suffisant mais en terme de recrutement, cela permet de découvrir des joueurs dans des championnats auxquels on ne s’intéressait pas jusque-là. Avant d’aller plus loin, il faut aussi s’intéresser à la personnalité du joueur, mais les stats permettent d’orienter la recherche.

PSG : Comment améliorer l’utilisation des stats dans les médias ?

Dans les médias spécialisés dans le sport, il y a une demande d’information précise et il faut être capable de mettre en perspective les données. On ne peut plus se contenter de donner le taux de possession sans le commenter. On peut par exemple dire que telle équipe a certes eu 65 % de possession mais que la plupart du temps, c’était dans leur propre camp et que cela n’a pas fait avancer le ballon.

Dans les médias grand public, l’utilisation de la data est moins pertinente parce que ce n’est pas ce que les gens attendent.

Liens utiles :

Les autres interviews de cette série relative à l’utilisation des stats dans le foot :

  1. Tripy Makonda : « Sans prise d’informations, tu ne joues pas au foot. Il faut trouver une stat qui mesure cela »
  2. Luis Fernandez : « J’ai tendance à me méfier des stats »
  3. Yacine Hamened : « Les stats doivent confirmer ou nuancer une performance mais elles ne doivent pas être l’argument massue. »
  4. David Aiello : « En choisissant un chiffre, tu fais un choix éditorial »
  5. Loïc Moreau : « L’apport des stats est bien supérieur aux limites qu’elles peuvent avoir »
  6. Nicolas Mondon : « On est encore dans la préhistoire du foot et de la data »
  7. Dan Perez : « Les stats vont te permettre d’aller t’intéresser à un joueur ou une équipe que tu n’aurais pas pu voir par toi-même »

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