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Nicolas Mondon : « On est encore dans la préhistoire du foot et de la data »

On était impatient d’avoir l’avis de Nicolas Mondon, data journaliste pour Le Figaro, sur l’utilisation des stats dans le foot et on n’a pas été déçu. On vous recommande d’ailleurs d’aller sur son site ou sur son compte Twitter. Mais avant ça, venez lire ses réponses à nos questions.

Paris Stats Germain (PSG) : Quel est ton avis général sur l’utilisation des stats dans le foot ?

Nicolas Mondon (NM) : Vaste sujet. On y trouve le meilleur comme le pire. Le mieux pour moi étant chez les anglo-saxons : fivethirtyeight, theanalyst.com (Peter McKeever), Tom Worville, … Même si la France n’est pas en reste avec les analyses de Coparena (@I11vs11 et @Birdace), que j’adore.

De manière générale, j’aime quand il y a du contexte. Les stats de manière isolée, c’est au mieux un peu pauvre, au pire souvent trompeur. C’est paradoxalement ce que je fais beaucoup (par manque de temps).

PSG : Quel est l’intérêt que tu vois à l’utilisation des stats dans le foot ?

NM : J’y vois un intérêt avant tout dans le diagnostic et dans l’analyse a posteriori. C’est très dur de faire du data-driven en foot pour le moment ; le sport est tellement complexe dans sa configuration, tellement bruité et chaotique. Je pense que ça viendra mais on est encore dans la préhistoire du foot et de la data.

PSG : Quels inconvénients vois-tu dans l’utilisation des stats dans le foot ?

NM : Je réponds sans doute un peu à côté de la plaque mais c’est de plus en plus lourd. Les données à appréhender sont devenues très sophistiquées. Je commence à peine à regarder les event streams alors que c’est l’avènement des données de tracking. D’un côté, ça va apporter une profondeur incroyable à certaines analyses orientées data, de l’autre c’est de plus en plus exigeant techniquement et inaccessible.

Ensuite, je suis convaincu que les data ne sont qu’une partie du puzzle. Elles ne doivent pas occulter la complexité du foot et les nombreux autres paramètres à prendre en compte : le psychologique, le contexte du foot pro aujourd’hui, …

PSG : Quelle est la stat qui t’énerve ?

NM : La stat toute seule. Par exemple, le taux de passes réussies ne veut rien dire si on ne le met pas en perspective avec les prises de risque des joueurs.

Aussi quand on oublie (moi le premier) qu’un modèle n’est qu’un modèle et pas une vérité. Les expected goals (xG) par exemple.

PSG : Peux-tu citer la ou les stats que tu trouves vraiment pertinente pour analyser un match (au niveau collectif ou individuel) ?

NM : Pour moi, les xG ont ouvert une brèche dans le rapport qu’entretient ce sport avec la data. Aujourd’hui, tous les modèles et les stats qu’on utilise découlent du principe adopté par le modèle des xG.

J’adore particulièrement les post-shot xG, qui servent autant à analyser le niveau des gardiens (en faisant la différence entre les PS xG et les buts encaissés) qu’à analyser certaines faiblesses chez un tireur.

PSG : Les stats peuvent-elles aider à analyser un match ? Si oui, comment ?

NM : Les modèles comme les xG permettent d’avoir une physionomie plus juste d’une rencontre que les seuls buts. C’est la force de la plupart des stats avancées d’une façon générale. On dispose aujourd’hui d’une palette incroyable pour faire de l’évaluation et du diagnostic.

PSG : Les stats peuvent-elles aider à évaluer un joueur, sur un match ou surtout au moment du recrutement ?

NM : Je trouve ça pertinent surtout au niveau du recrutement pour ma part. Sur un match, on évalue surtout du bruit (en tout cas au niveau individuel). Il y a tellement de paramètres, de l’adversaire, au calendrier en passant par les coéquipiers… La principale faiblesse des data, c’est qu’il en faut plein pour que ça fonctionne.

PSG : Comment te sers-tu des stats dans ton activité pro ?

NM : Je suis data journaliste… Du coup, je passe mes journées à faire des notebooks python mais sur des sujets très différents (politiques, économie, société)

PSG : De ce que tu vois, les stats sont-elles beaucoup regardées et utilisées par les médias ? Les clubs ? Les joueurs ?

NM : Pour les médias, avant j’aurais dit pas assez mais avec le recul, les stats avancées sont délicates à amener (sans mauvaises interprétations). Il faut sans doute un peu de temps avant que le grand public puisse digérer tout ça et qu’il y ait une culture de la stat en France.

Pour les clubs, j’ai l’impression que ça arrive en France même si je trouve qu’on est en retard comparé aux anglais par exemple.

PSG : Comment améliorer l’utilisation des stats dans les médias ?

NM : Je  crois qu’il faut surtout du temps et pas déifier la chose. C’est un changement culturel qui se fera progressivement et avec discernement.

PSG : Quelle stat non utilisée aujourd’hui te semblerait pertinente à créer ou rendre accessible au grand public ?

Je pense qu’avec l’avènement du tracking, on va pouvoir évaluer beaucoup plus finement le jeu sans ballon. C’est l’essentiel du jeu dans le foot, surtout dans le jeu de position.

PSG : Est-ce que tu regardes les stats du PSG ? Si oui, y-a-t-il des choses qui t’ont globalement marqué, positivement ou négativement ?

NM : Je suis marseillais d’origine mais je regarde forcément les stats du PSG. Assez marqué récemment par mes analyses avec le framework VAEP, qui montrent que Mbappé a un déchet énorme dans ses actions. J’y vois surtout le symptôme du manque de fond de jeu de cette équipe, où un Mbappé esseulé doit souvent faire la différence tout seul.

Les autres interviews sur l’utilisation des stats dans le foot :

  1. Tripy Makonda : « Sans prise d’informations, tu ne joues pas au foot. Il faut trouver une stat qui mesure cela »
  2. Luis Fernandez : « J’ai tendance à me méfier des stats »
  3. Yacine Hamened : « Les stats doivent confirmer ou nuancer une performance mais elles ne doivent pas être l’argument massue. »
  4. François Pinet : « Les stats sont incontournables dans le debrief d’un match »
  5. David Aiello : : « En choisissant un chiffre, tu fais un choix éditorial »
  6. Loïc Moreau : « L’apport des stats est bien supérieur aux limites qu’elles peuvent avoir »
  7. Dan Perez : « Les stats vont te permettre d’aller t’intéresser à un joueur ou une équipe que tu n’aurais pas pu voir par toi-même »

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