Julian Draxler, le talent en pointillés
Après Mauro Icardi, c’est avec Julian Draxler que nous poursuivons notre analyse détaillée de la saison 2020-2021 des joueurs offensifs parisiens. Et comme pour l’Argentin, les raisons de s’enthousiasmer sur les performances de l’Allemand ont été rares. Intenses, mais rares. Explications.
On a aimé | On a moins aimé |
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Qu’il marie talent et opportunisme | L’absence de prise de risques dans son jeu |
Qu’il gagne son duel des jokers offensifs face à Sarabia | La prolongation de son contrat avec le PSG |
On a aimé
Qu’il marie talent et opportunisme
A plusieurs reprises dans la saison, Julian Draxler nous a rappelé quel merveilleux footballeur il pouvait être.
On a immédiatement deux images qui nous reviennent en mémoire : la première date la 85ème minute du huitième de finale aller au Camp Nou. Le PSG mène déjà 3-1 mais va enfoncer le clou. L’Allemand fait 80 % du boulot sur ce but puisque c’est lui qui intercepte un centre catalan devant sa surface et devant Messi avant de poursuivre l’action suite à un relais de Danilo.
Il remonte la balle jusqu’à l’autre surface de réparation en prenant bien soin de fixer les défenseurs adverses.
Il sert alors sur sa gauche Mbappé qui n’a même pas besoin de contrôler l’offrande de Draxler pour envoyer le ballon dans le petit filet opposé de Ter Stegen. 4-1 ! Un contre parfaitement mené par l’Allemand.
La réussite ne sera en revanche pas au bout de l’autre action « mythique » de Draxler la saison écoulée mais le geste est sublime : à Rennes, pour le compte de la 36ème journée, lancé en profondeur plein axe par Neymar, il réalise un contrôle très aérien splendide avant de se défaire de Maoussa à l’aide d’une série de jongles somptueux. Il enchaîne ensuite avec une magnifique frappe du gauche en pivot qui échoue sur le poteau d’un Gomis qui était battu.
On en restera à un partout et le PSG verra donc les Lillois s’envoler vers le titre. A quelques centimètres près, Draxler aurait pu marquer un but d’anthologie et devenir un héros dans le cœur des supporters parisiens…
Mais le talent ne suffit pas toujours. Draxler est bien placé pour le savoir. Il faut aussi un peu de chance. Être au bon endroit au bon moment. En opportuniste. C’est un peu le paradoxe de ce cher Julian en 2020-2021 : pétri de talent, il aurait pu inscrire des buts somptueux, mais en a finalement marqué quatre que l’on peut plutôt qualifier de renards. Des buts qu’Icardi, ou Inzaghi pour remonter un peu dans le temps, n’auraient pas reniés :
Le premier est inscrit de la tête dans les arrêts de jeu face à Metz. Pour cette 3ème journée de Ligue 1, après deux défaites initiales, le PSG est mal embarqué et bute, à 9 joueurs depuis la 85ème (expulsion de Diallo à la 65ème puis blessure de Bernat à la 85ème) sur de valeureux lorrains. Alors que l’on se dirige vers un score nul et vierge, une action sortie de nulle part va donner trois points aux Parisiens dans les arrêts de jeu : longue transversale de Marquinhos pour Di Maria, contrôle « zidanesque » de l’Argentin qui centre vers Icardi mais Oukidja repousse… sur Draxler l’opportuniste qui marque de la tête dans le but vide.
Si son but face à Angers lors de la 6ème journée est plus classique (centre en retrait de Bakker repris du plat du pied), celui face à Nice pour le compte de la 25ème journée met de nouveau en évidence son sens du placement et son opportunisme puisqu’il reprend un ballon repoussé par le poteau suite à une frappe d’Icardi.
C’est encore plus flagrant pour son dernier but de la saison face à Nantes (défaite 2-1) : il récupère un ballon qui ne lui était pas destiné puisque Di Maria cherchait à servir Mbappé, mais le propulse sans contrôle du gauche dans le but de Lafont :
Il a donc inscrit 4 buts avec des bouts d’occasions en étant au bon endroit au bon moment. En terme d’expected goals, cela se traduit par une surperformance de 2.2. C’est notamment son but face à Nantes qui explique l’écart (son tir n’était évalué qu’à 0.07 xG).
Il affiche ainsi le second différentiel le plus important des joueurs du PSG en Ligue 1 cette saison :
Son ratio de buts par tir est lui aussi remarquable puisqu’il a marqué 4 fois en ne tentant que 11 fois sa chance en Ligue 1. Soit un but tous les 3.6 tirs qui en fait le buteur le plus efficace du PSG en championnat cette saison :
Avec 36 % de ses tirs provoquant un but, il devance largement le second Mbappé (26 %) et Kean (25 %) ainsi que tout l’effectif parisien.
Qu’il gagne son duel des jokers offensifs face à Sarabia
Comment en est-on arriver à cette conclusion qui fait du lymphatique et souvent agaçant Draxler le joker offensif privilégié devant l’Espagnol Sarabia qui restait pourtant sur une bonne saison 2019-2020 (14 buts, toutes compétitions confondues) ? Voyons le raisonnement ci-dessous.
Un indicateur du site www.fbref.com pour commencer : ce site comptabilise les buts inscrits et encaissés par le PSG selon la présence sur le terrain des joueurs. Pour les acteurs qui nous intéressent ici, Draxler affiche un ratio favorable de 1.95 (qui le situe au 2ème rang de tout l’effectif parisien) tandis que Sarabia doit se contenter de 1.57.
Néanmoins l’Espagnol domine l’Allemand sur un certain nombre d’indicateurs, en particulier ceux relatifs à la finition :
Sarabia a marqué plus de buts et donné plus de passes décisives. Il a aussi beaucoup plus tiré puisque qu’on ne recense que 11 tirs pour Draxler sur toute la saison de Ligue 1 contre 37 pour l’Espagnol. Avec 11 tirs en Ligue 1, Draxler est seulement 14ème de l’effectif parisien, à égalité avec Kurzawa.
Si l’on reprend notre comparatif de la saison de Draxler et Sarabia, tous les autres indicateurs sont en faveur du numéro 23. A commencer par les données relatives à l’aisance technique :
L’Allemand réussit plus de dribbles, perd moins de ballons alors qu’il en touche plus et rate beaucoup moins de passes.
En matière de capacité à faire avancer le jeu, Draxler est encore devant :
Plus de mètres gagnés et plus de passes qui font mal à l’adversaire pour Draxler.
Enfin, même les données défensives sont à son avantage :
L’air de rien, Draxler abat un peu de boulot défensivement parlant : il récupère plus de ballons et gagne plus de duels.
Difficile de réellement trancher en fait. Globalement Draxler a de meilleures stats que Sarabia mais ce dernier s’est montré plus décisif dans la zone de vérité. Alors, que conclure ?
En fait, la réponse c’est Pochettino et son staff qui nous la donnent. Compte tenu du temps de jeu des deux protagonistes de notre comparaison, on voit clairement que c’est l’Allemand qui a les faveurs du coach :
En changeant de coach, l’Allemand a considérablement augmenté son temps de jeu : 432 minutes avec Tuchel, contre 895 avec Pochettino. C’est l’inverse pour Sarabia (de 791 minutes à 663). Le départ fin 2020 de son compatriote aura finalement été bénéfique pour l’ancien joueur de Schalke. Certes, en terme de temps de jeu d’autres facteurs que les décisions du staff entrent en ligne de compte (les blessures en particulier), mais Draxler a été plus présent que Sarabia sur la fin de l’exercice.
Et comme, avec respectivement 14 et 12 entrées en cours de match en Ligue 1 (plus 3 et 2 en Champions League), on peut dire qu’ils se disputent la place de joker offensif, c’est bel et bien Draxler qui sort gagnant de son duel avec Sarabia.
On a moins aimé
L’absence de prise de risques dans son jeu
A la base, Julian Draxler est un dribbleur, un provocateur, un créateur de déséquilibre. A Paris, surtout depuis deux saisons, il ronronne. Il a mis de côté les passements de jambes, les percussions et les longues chevauchées pour devenir un joueur plus sûr, plus régulateur, moins créatif.
Peut-être que le jeu du PSG impose cela, en particulier compte tenu des styles de jeu à haut risque de Neymar, Mbappé voire Di Maria. Mais à trop se dénaturer, Draxler en devient un joueur lambda.
Quelles stats viennent à l’appui de cette évolution ? Les dribbles évidemment en premier lieu :
La courbe blanche qui ne cesse de descendre depuis 2014, c’est celle de sa moyenne de dribbles. Il est passé de 6.1 dribbles par 90 minutes en 2013-2014 avec Schalke à 2.1 la saison dernière. Le taux de réussite lui est d’environ 70 % tous les ans, ce qui est très bon.
La chute vertigineuse de ses tentatives de dribbles ne date donc pas de son arrivée en France mais elle prend des proportions inquiétantes puisqu’il tente depuis deux saisons environ 2 dribbles par match, contre plus de 5 quand il évoluait en Bundesliga.
Ces deux dernières saisons, en partie tronquées certes, il a réussi 24 dribbles en Ligue 1 en 35 matches cumulés.
Par rapport à ses confrères du secteur offensif, ses stats de dribbles font un peu peine à voir. Pas par son taux de réussite qui est encore très bon (60 %) mais par son nombre de tentatives, presque deux fois moindres que celles de Di Maria, trois fois inférieures à celles de Mbappé et cinq fois plus faibles que celles de Neymar.
Est-ce une consigne du coach pour limiter les pertes de balle potentielles ? Sûrement, mais dans ce cas sa moyenne devrait remonter en l’absence de Neymar et on ne constate pas ce phénomène. On recense 6 matches de Ligue 1 (avec au moins 45 minutes jouées) où il n’a tenté qu’un seul dribble maximum. Neymar était absent lors de quatre de ces six matches.
D’autre datas viennent corroborer ce sentiment de sécurité accrue dans le jeu de l’Allemand. Ses stats de mètres gagnés par la passe et la conduite connaissent un point bas cette saison :
Avec 334 mètres gagnés par match (autant par la passe que la conduite), c’est cette saison qu’il a le moins fait progresser le jeu depuis que la stat est disponible. C’est 100 mètres de moins que 2018-2019, soit 23 % de baisse.
Ce sont notamment ses mètres gagnés par la passe qui sont extrêmement bas, que ce soit par rapport aux années antérieures, mais aussi par rapport à ses coéquipiers :
Ils ne sont que trois dans l’effectif parisien à faire moins progresser que lui le jeu par la passe. Et il s’agit de trois attaquants positionnés plus hauts sur le terrain et donc avec moins de possibilités de passes vers l’avant.
Ses stats de passes réussies vers le dernier tiers (3 contre 4.8 lors des 3 précédentes saisons) et de passes progressives (4.6 contre 5.5) envoient le même signal d’un joueur en manque de confiance, et frileux à l’idée de jouer vers l’avant.
Une dernière donnée, évoquée dans le point précédent, traduit bien sa timidité et son manque d’initiatives : il a tiré seulement 11 fois au but en Ligue 1 la saison écoulée !
Avec 13 tirs en tout (2 en Champions League), il est 15ème de tout l’effectif. Il est à égalité avec Verratti pour donner un ordre d’idée de l’ampleur des dégâts…
Sur les 29 matches qu’il a disputés cette saison (Ligue 1 et Champions League), il y en a 17 où il n’a pas tenté sa chance une seule fois :
Son record de 2 tirs date du 16 septembre 2020 et de ce fameux match face à Metz au cours duquel il marquera au bout du temps additionnel le but inespéré et libérateur. Avant cela, il avait perdu son duel face à Oukidja suite à un bon appel bien vu par Di Maria :
Au final, ces 11 tirs en Ligue 1 représentent une moyenne de 0.9 tir/90 minutes, son plus faible ratio en carrière :
La prolongation de son contrat avec le PSG
Julian Draxler a un talent fou, cela ne fait aucun doute. Mais se donne-t-il toujours les moyens de l’exprimer ? C’est moins sûr.
Ses stats avec le PSG n’ont rien d’extraordinaire, surtout pour un joueur acquis environ 40 M€ :
Comme un symbole, sa meilleure saison en nombre de buts marqués (Ligue 1 et Champions League) est sa première au club, pourtant amputée de 5 mois puisqu’il est arrivé de Wolfsburg en décembre 2016. Il était alors âgé de 23 ans et le PSG pensait avoir mis la main sur un crack mondial. La comparaison de ses stats sur les cinq dernières saisons avec celles de Di Maria, vraie star mondiale pour le coup, fait peur à voir : 52 buts et 62 passes pour l’Argentin, contre 16 et 23 pour l’Allemand.
Pourquoi, dès lors, le PSG a-t-il prolongé Draxler, qui arrivait en fin de contrat, pour trois saisons supplémentaires (soit jusqu’en 2024) ?
Hormis le fait qu’il est toujours agaçant de voir partir libre un joueur acheté aussi cher, le changement de coach a semble-t-il joué un rôle important. Son compatriote Thomas Tuchel semblait en effet ne plus trop compter sur un joueur qui, en outre, avait été blessé en début de saison, ratant une dizaine de matches.
Pochettino, lui, l’a davantage utilisé et il a même largement participé aux qualifications face à Barcelone et au Bayern. En chiffres, cela donne 432 minutes avec Tuchel (soit 21 % des minutes possibles) et 895 avec Pochettino (37 %).
Comparé aux autres attaquants du PSG, il n’y a qu’Icardi, très souvent blessé, qui a moins de minutes que lui au compteur cette saison.
D’ailleurs l’ancien de Schalke 04 est le joueur avec le plus faible ratio de minutes par match de Ligue 1 disputé :
Rien qu’en Ligue 1, il est entré 12 fois en cours de match (dont 4 fois moins de 10 minutes) et il n’a terminé que trois des douze parties commencées comme titulaire.
Bref tout ça pour dire qu’il n’est devenu malheureusement qu’un joueur d’appoint dans l’effectif du PSG. Et que cela lui a même coûté sa place dans son équipe nationale qui, pourtant, aurait pu avoir besoin de ses services compte tenu de ses prestations à l’Euro.
Dès lors, à quoi bon le conserver ? Le joueur a démontré qu’il ne savait pas se faire violence pour gagner sa place. Le précédent avec Kurzawa a plutôt montré que conserver et prolonger un joueur par défaut n’apportait rien de bon. Par quelle baguette magique, Pochettino compte-t-il en faire un « mort de faim » ? Voit-il en lui son « nouveau Dele Alli » ?
Le problème est connu : Draxler est trop bien rémunéré pour être transféré, et pas assez bon pour concurrencer les titulaires. Dès lors, la question qui se pose nous semble être la suivante : dans cet effectif très déséquilibré qui regorge de stats en attaque, le PSG a-t-il besoin d’avoir un joueur aussi cher dans un secteur offensif déjà pourvu de cracks ?
Ne faut-il mieux pas privilégier pour ce rôle de jokers offensifs des jeunes du club (ou d’ailleurs) qui seront ravis d’apprendre aux côtés de jours référencés et qui pourront montrer l’étendue de leur talent lors des miettes laissées par les titulaires ?
Des joueurs aux profils comme Diaby ou Nkunku auraient parfaitement pu remplir ce rôle (et l’argent économisé aurait pu permettre d’être plus généreux sur les postes réellement en souffrance au PSG).
On ne pourra pas refaire l’histoire mais cela reste à méditer.
Bilan : 5.5/10
A chacun de ses dribbles soyeux, on replonge. A chaque geste de grande classe de sa part, on se dit « et pourquoi pas » ? Mais en fait, non. Des feux de paille. Pas de continuité. C’est sûr qu’évoluer dans la même zone que deux cracks mondiaux n’aide pas à travailler dans la durée et à espérer gagner une place de titulaire.
Mais, dès lors, à quoi bon continuer ? Il fallait tirer les conséquences de cette abondance de biens en attaque et de l’impossibilité pour Draxler de se faire violence, et le laisser partir libre. Le problème c’est qu’outre son salaire, il n’a pas assez d’actions d’éclat à son actif pour susciter un vrai intérêt chez un club de bon standing.
Donc on repart pour un tour (ou peut-être plusieurs). Et l’on sait d’avance que l’on va s’enthousiasmer. Puis être déçu. Ou pas. Comment dit-on « fais-nous mentir » en allemand ?
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