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Analyses Saison 2020-2021

Moise Kean, la meilleure recrue de la saison

Les supporters parisiens ne savaient probablement pas trop à quoi s’attendre lors de l’arrivée en prêt au mercato estival 2020 de Moise Kean. Très peu expérimenté, en échec en Angleterre, il n’était pas, sur le papier, la recrue la plus glamour de l’intersaison du PSG. Et pourtant, très rapidement, le jeune Italien (21 ans) va convaincre tout son monde en enfilant les buts comme les perles et en se dépouillant sur le terrain. Retour en chiffres sur sa saison 2020-2021 qui en fait le meilleur « rookie » de l’année côté PSG.

On a aiméOn a moins aimé
Sa capacité à faire beaucoup avec peuSon manque d’association dans le jeu
Ses buts précieuxLe virus qui l’a mis KO
Son jeu de tête

On a aimé

Sa capacité à faire beaucoup avec peu

En venant au PSG, Moise Kean se doutait qu’il ne serait pas la première option offensive. Mais il devait suffisamment avoir confiance en ses qualités pour être en mesure de se faire une place au sein de cet effectif cinq étoiles.

Et il avait bien raison. Avec 17 buts inscrits, dont 13 en Ligue 1, il est tout simplement le deuxième meilleur buteur de la saison parisienne :

Il est en fait à égalité avec Neymar mais ce dernier a inscrit 6 de ses 17 buts sur pénalty.

Il s’agit de sa meilleure saison depuis qu’il est professionnel :

Il a donc marqué en une saison autant que lors des quatre précédentes. En fait, il a même davantage marqué si l’on comptabilise ses trois buts de Champions League.

Tous buts confondus, il est 12ème meilleure buteur de Ligue 1. Si l’on se restreint aux buts hors pénaltys, il est 6ème (à égalité avec Depay et Moffi) !

Dans la suite de cet article, les différentes données présentées seront hors pénaltys pour faciliter les comparaisons entre joueurs. Et nous nous intéresserons à tous les auteurs d’au moins 10 buts en Ligue 1 (soit 21 joueurs).

L’une des particularités de Kean est de marquer beaucoup avec peu de temps de jeu. Au PSG, il n’a que le 4ème temps de jeu parmi les sept joueurs offensifs :

Parmi les 21 meilleurs buteurs de Ligue 1 (au moins 10 buts), c’est lui qui a le plus faible temps de jeu. Son faible temps de jeu comparé aux autres s’explique à la fois par son arrivée tardive au mercato d’été (il dispute son 1er match de Ligue 1 le 16 octobre lors de la 7ème journée), et par la concurrence au sein de l’effectif parisien. Il n’a terminé d’ailleurs que 8 des 26 matches commencés comme titulaire.

Par conséquent, il affiche, après Mbappé, la meilleure moyenne de buts à la minute de toute la Ligue 1 :

Il marque en effet un but toutes les 131 minutes. Seul Mbappé fait mieux parmi les goleadors du championnat de France. Alors qu’il était à égalité, par exemple, avec Depay en nombre de buts hors pénaltys, il est en fait beaucoup plus productif que le Néerlandais quand on rapporte les buts au temps passé sur le terrain (1 but toutes les 226 minutes pour le néo-barcelonais).

L’une des raisons du succès de l’ancien Turinois est sa capacité à faire beaucoup avec peu. Son premier exploit est de s’être fait une place de quasi-titulaire au sein de cette attaque de feu. Le second est de parvenir à marquer autant avec si peu de munitions. Combien de fois l’a-t-on vu être oublié par un coéquipier qui privilégiait une solution individuelle ? Il ne jouit pas encore du statut d’un Mbappé ou d’un Neymar et doit parfois se contenter des miettes.

Malgré cela, il présente des stats de buts inscrits de premier plan. La cause de sa réussite : marquer sur un quart de ses tentatives. C’est bien ? Oui. Au sein de notre échantillon des meilleurs buteurs de Ligue 1, il est deuxième derrière le Monégasque Volland qui marque tous les trois tirs environ. La moyenne de notre échantillon est d’un but tous les sept tirs.

Mbappé fait moins bien que lui avec un but tous les 4.7 tirs (hors pénaltys).

Enfin, grâce aux expected goals, nous allons voir en quoi Kean se démarque là encore des autres meilleurs buteurs de Ligue 1.

Le graphique ci-dessous décrit en abscisses les expected goals (hors pénaltys) créés, ramenés à 90 minutes pour neutraliser les différences de temps de jeu. En ordonnées, figure le ratio entre ces xG et les tirs, toujours hors pénaltys.

Kean se distingue (avec Toko Ekambi et Mbappé) assez sensiblement des autres attaquants et figure en haut à droite de notre « nuage de points ». Cela signifie que non seulement il se procure beaucoup d’occasions à la minute (0.6 xG/match), mais qu’en outre les tirs qu’il prend ont une probabilité plus élevée que la moyenne de générer un but (21 %).

On a donc d’une part la confirmation de sa capacité à être productif en peu de temps. Mais aussi, que sa sélection de tirs l’oriente vers des tirs à fort xG. Chacune de ses frappes a en moyenne 21 % de provoquer un but. Il s’agit du plus haut taux de notre échantillon dont la moyenne est de 15 %. Concrètement, Kean tente peu sa chance de loin (5 tirs sur 52) et privilégie les bonnes situations de frappe.

En résumé, le PSG s’est donc fait prêter un joueur qui se procure beaucoup d’occasions franches à la minute, sait tirer à bon escient parce qu’il a compris qu’il n’aurait pas beaucoup de cartouches ni le droit à l’erreur, et marque un but tous les 4 tirs et toutes les 131 minutes. Difficile de faire mieux comme recrue. On comprend que Benitez et Everton veuillent le garder…

Ses buts précieux

Ce cher Moise ne s’est pas contenté de marquer beaucoup de buts. Il a aussi marqué des buts importants.

La première fois qu’il joue les héros, c’est à Basaksehir, pour la seconde journée de Champions League. Après avoir perdu son premier match face à United, le PSG n’a déjà pas le droit à l’erreur face à la formation la plus faible du groupe. Et pourtant, les Parisiens galèrent. Neymar est sorti blessé avant la demi-heure de jeu et les Turcs sont menaçants (le match se finira à 4 tirs cadrés de chaque côté). Peu après l’heure de jeu, l’Italien sort sa cape et se transforme en « Super Moise » : sur un corner de Mbappé, il envoie une tête décroisée imparable au fond des filets.

Les Parisiens ne sont toujours pas à l’abri d’un retour et Navas continue d’enchaîner les parades. Mais Kean va mettre fin au suspense en inscrivant son second doublé de la semaine après celui face à Dijon : il profite d’un contrôle un peu long de Mbappé dans la surface pour contrôler et marquer du gauche en se retournant. Ouf…

Les buts inscrits dans les matches suivants de Ligue 1 sont moins capitaux mais ont très souvent permis d’ouvrir le score ou de (re)prendre l’avantage :

  • Ouverture du score contre Rennes (10ème journée) d’une lourde frappe du droit
  • But du 2-1 contre Bordeaux (12ème journée) en reprenant un tir de Neymar que le gardien a repoussé
  • But du 2-1 aussi à Montpellier (13ème journée) d’une énorme « minasse » sous la barre après avoir déposé Congré
  • But précieux à St Etienne (18ème journée) pour égaliser d’un tir en pivot du droit lors du baptême du feu de Pochettino
  • Ouverture du score contre Brest (19ème journée) en reprenant de la tête un ballon qui avait précédemment heurté le poteau
  • Encore un but pour mener 2-1 (score final) contre Nice (25ème journée) dans une partie mal embarquée : il marque de la tête sur une superbe remise d’Icardi
  • But du break à 3-1 au Camp Nou, encore de la tête, sur un coup-franc de Paredes
  • Ouverture du score à Dijon (27ème journée) après un magnifique contrôle orienté sur un service de Diallo

On a mis en évidence son doublé à Istanbul parce que la saison parisienne était sur un fil avant qu’il n’inscrive son doublé. Mais grâce à la liste ci-dessus, on constate que huit autres de ses buts ont été capitaux, soit pour ouvrir le score soit pour prendre l’avantage. Quand on sait les difficultés que rencontrent les Parisiens en Ligue 1 pour débloquer les situations et mettre ce premier but, on ne peut que saluer l’effort de Kean, quatre fois auteur du premier but de la partie.

Son jeu de tête

Le jeu de tête n’est pas le point fort de Mbappé et Neymar. C’est un fait entendu. Dès lors, c’est avec joie que les Parisiens ont vu Kean reprendre le flambeau de Ibra ou Cavani en termes de têtes offensives.

Avec 14 tirs de la tête cette saison, il affiche le second total de l’équipe derrière Marquinhos :

Il devance donc tous les attaquants, y compris Icardi qui le talonne (12 têtes).

S’il avait eu du mal en début de saison à cadrer ses têtes, il a au final marqué quatre fois de cette façon : à Istanbul et Barcelone en Champions League, contre Brest et Nice en Ligue 1.

Il termine donc la saison co-meilleur buteur parisien de la tête avec Marquinhos.

Concernant le domaine aérien dans le jeu, il a plus de mal puisqu’il ne gagne que 48 % des duels aériens en Ligue 1 et seulement 13 % en Champions League.

Icardi fait légèrement mieux que lui dans ce domaine mais ses stats restent tout à fait respectables en Ligue 1.

On a moins aimé

Son manque d’association dans le jeu

Question récurrente quand un attaquant est aligné aux côtés de Neymar et Mbappé : va-t-il être capable de s’associer avec eux et de participer au jeu parisien ? La réponse est clairement négative concernant Moise Kean.

Par exemple, sur les 13 passes décisives aboutissant à un but de Kean (Ligue 1 et Champions League), seulement 4 viennent du duo Mbappé-Neymar. Et, surtout, l’Italien, n’a donné qu’une seule passe décisive (à Di Maria) sur l’ensemble des 45 matches qu’il a disputés.

Le problème vient donc plus de Kean que des autres. L’ancien Turinois a beaucoup de qualités, mais sa mission est de marquer des buts, pas franchement de participer au jeu ou de faire briller les autres.

Ses stats d’expected assists sont même incroyablement faibles pour un joueur offensif avec ses qualités de percussion et évoluant dans une équipe qui regorge de talents en attaque : en 26 matches de Ligue 1, il a cumulé 0.96 expected assists, soit 0.05 par 90 minutes !

Il n’y a que cinq joueurs dans l’effectif parisien qui ont un moins bon ratio que lui. Ses 0.05 xA le positionnent entre Gueye et Danilo. Il y a comme un problème… Les six autres attaquants sont eux logiquement aux six premières places de l’équipe (leur moyenne est de 0.37).

Naturellement, il n’a donné aucune passe décisive en championnat. Sa seule assist de la saison étant pour Di Maria à Leipzig.

Avec son talent, ses qualités de finesse et de percussion, ses chiffres de passes décisives sont vraiment anormaux.

En quatre saisons, il n’a donné que deux passes décisives (à Everton). Et ce n’est pas de la faute des attaquants car ses stats d’expected assists sont extrêmement basses depuis le début de sa carrière.  

C’est vrai que le sentiment qui prédomine quand on regarde Kean dans la surface, c’est son attirance pour le but. Pas de fioriture, pas de une-deux, pas de tergiversation. Il frappe, le plus fort possible. Cette attirance pour le but fait bien sûr partie de ses qualités mais, en contre-partie, il ne faut pas trop compter sur lui pour combiner dans la surface.

De manière corolaire, ses stats de passes clés sont très faibles comparativement aux autres attaquants du PSG :

L’écart est quand même très important, y compris avec Icardi qui n’est pourtant pas vraiment réputé pour ses passes décisives. Ce qui étonne surtout, c’est qu’il s’agit de sa plus mauvaise saison alors qu’il n’avait jamais joué dans un effectif aussi talentueux offensivement.

C’est un peu comme s’il savait qu’il serait jugé sur ses stats de but (et pas de passes décisives). En prêt, le joueur s’est peut-être dit qu’il devait absolument faire ses preuves en marquant, et peu importe le reste.

Outre un relatif individualisme dans la zone de vérité, c’est son manque de participation au jeu, et ses limites techniques qui transparaissent dans plusieurs de ses stats.

On le voit très bien avec ses données de passes : il est non seulement le joueur qui réussit le moins de passes (Ligue 1 et Champions League confondues) mais aussi celui qui a le moins bon taux de réussite.

Le graphique ci-dessus se concentre sur les attaquants mais personne ne fait moins bien que Kean dans toute l’escouade parisienne. Il réussit donc moins de passes qu’Icardi sur une rencontre. Et il est dans ses standards habituels puisque sa moyenne en carrière, toutes compétitions confondues, est de 11.8 passes réussies. C’est vraiment très peu.

Sur les 27 matches où il a joué plus de 45 minutes, on en recense un seul avec plus de 20 passes réussies (21/24 contre Nice), 12 avec de 10 à 20 passes réussies, et la majorité, 14 avec moins de 10 passes réussies (dont 4 des 5 matches européens disputés).

Les stats ci-dessous de ballons joués et perdus disent exactement la même chose : Kean participe très peu au jeu et a des difficultés pour garder le ballon vivant.

Ses 31 ballons joués par 90 minutes ne sont supérieurs qu’à ceux d’Icardi (26). En revanche, il perd, en proportion, plus de ballons (31 %) que tout le reste de l’effectif, y compris le trio Mbappé-Neymar-Di Maria pourtant pas les derniers à égarer quelques balles en route (30 % chacun).

Les 45 ballons touchés à Barcelone, son record de la saison, attestent toutefois qu’il est capable de faire de bonnes choses balle au pied. Ce jour-là, il avait su conserver le cuir quand nécessaire (seulement 10 % de ballons perdus), jouer avec ses coéquipiers (82 % de passes réussies), éliminer ses adversaires (4 dribbles réussis) et tout ça sans perdre son sens du but (de la tête pour le 1-3). Mais malheureusement cela reste l’exception (ou le match référence si l’on veut être positif) plutôt que la règle.

Une dernière stat pour enfoncer le clou : avec 0.7 expected goal chain, il affiche la plus basse contribution aux offensives parisiennes (parmi les attaquants du PSG) se terminant par un tir.

C’est la conclusion logique de son faible volume de passes et de la rareté de ses passes clés.

Le virus qui l’a mis KO

Contrairement à bon nombre de ses coéquipiers, Moise Kean a été épargné par les blessures. Mais comme bon nombre de ses coéquipiers, il a été touché par le virus du Covid-19. A la différence de la plupart d’entre eux qui ont été contaminés en tout début de saison, lui l’a contracté début mars et a eu beaucoup de mal à s’en remettre.

Ses stats avant et après sa maladie sont bien différentes. La donnée la plus parlante pour confirmer qu’il était très amoindri en revenant de sa maladie est celle des duels :

Alors qu’il gagnait 40 % de ses duels avant d’attraper le virus, il descend à 23 % après. C’est encore plus flagrant si l’on se focalise sur les duels aériens : il en gagnait en moyenne deux sur trois (exactement 14 des 21 qu’il avait disputés), et n’en a plus remporté un seul suite à son retour fin mars.

Entre son match de reprise à Lyon le 21 mars et sa fin de saison le 16 mai face à Reims, il a disputé 8 duels aériens et les a tous perdus. Ses difficultés à prendre le dessus physiquement se voient également dans ses tirs de la tête : alors qu’il en réussissait quasiment une par match avant, il n’a pas pu en placer une seule après son « come-back ».

Cet écart de duels remportés « avant-après » témoigne bien de ses difficultés physiques après avoir été touché par le covid-19. Et pourtant, il a continué d’harasser les défenseurs et de se battre comme un lion. Mais, faute de gaz, l’efficacité d’était plus au rendez-vous.

En parlant d’efficacité, celle face au but l’a logiquement fui sur la deuxième partie de saison : alors qu’il avait inscrit 14 buts avant sa maladie (dont 3 en Champions League), il n’en a inscrit que deux ensuite. Etait-il en surperformance sur la première partie de saison ou le covid a-t-il aussi impacté son réalisme offensif ? Sûrement un peu des deux puisque ses buts inscrits par 90 minutes (0.76) étaient supérieurs aux expected goals (0.62) sur la première partie de saison.

Bilan : 7/10

Ultra efficace, courant pour deux, physique, bon de la tête, pas gourmand avec le ballon, Keane a vraiment le profil quasi parfait pour jouer dans cette équipe aux côtés de Neymar et Mbappé. Certes, il ne cherche pas vraiment à combiner avec le reste de l’attaque mais on ne peut pas non plus tout demander à un garçon de 21 ans qui a connu au PSG sa première vraie saison pleine dans sa jeune carrière (2149 minutes avec Paris, 2640 lors de ses 4 saisons précédentes).

Sa présence a donc en partie compensé et masqué les manques d’Icardi à la pointe de l’attaque. Par conséquent, on comprend aisément que les dirigeants parisiens fassent le maximum pour le conserver au moins un an supplémentaire. Sinon, il faudra certainement lui trouver un successeur avec les mêmes caractéristiques. Est-ce que je jeune Arnaud Kalimuendo (19 ans), sur qui le PSG semble compter pour 2021-2022, pourrait reprendre au moins en partie, le rôle de l’Italien la saison écoulée ? C’est tout le mal qu’on peut lui souhaiter.   

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