Abdou Diallo, la saison qui rassure
Nous poursuivons l’analyse individuelle de la saison 2020-2021 des défenseurs centraux parisiens avec Abdou Diallo. Après une première saison d’adaptation où il n’avait pas vraiment convaincu, le néo-international Sénégalais a cette fois répondu davantage présent. Tout ne fut pas parfait, loin de là, mais les progrès sont notables. Démonstration en chiffres et en graphiques.
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Sa polyvalence
La saison dernière, l’expérience en tant que latéral gauche avait été assez ponctuelle (6 matches seulement). Cette saison en revanche, il a passé quasiment autant de temps à ce poste qu’à celui de défenseur central : 1 116 minutes (Ligue 1 et Champions League) en charnière centrale et 869 à gauche.
Ce qui attire l’œil à la lecture du graphique ci-dessous c’est la répartition des postes occupés sur l’ensemble de la saison (n’ont été retenus que les parties de Ligue 1 et Champions League où il a joué au moins 45 minutes, les barres bleues correspondent au poste de défenseur central, les rouges en tant que latéral) : il a passé 12 des 13 premiers matches de la saison en défense centrale, et les 10 derniers à gauche.
Cela signifie que Tuchel, cette saison, avait a priori décidé d’en faire véritablement un pilier de la défense centrale, qu’elle soit composée de deux joueurs comme au début de saison, ou de trois comme à la fin de l’année civile. Seule exception, notable certes : le match retour à Manchester United où il est aligné comme arrière gauche (mais repasse en défense centrale à trois suite à l’entrée de Bakker dans la dernière demi-heure).
En revanche, Pochettino, après trois matches en défense centrale (Brest, Angers et Montpellier), l’alignera comme arrière gauche lors des dix derniers matches où le franco-sénégalais a été disponible. Sur ces 10 matches figurent 4 matches de Champions League (Barcelone, deux fois le Bayern et City).
Lors de deux d’entre eux, il ne jouera qu’une mi-temps, mais pour des raisons bien différentes : au retour face à Barcelone, Pochettino prend conscience que Kurzawa est trop en difficulté face à Dest et lance Diallo dès la reprise. Coaching gagnant : Diallo neutralise l’arrière américain et avale la pression qui semblait tétaniser Kurzawa. Scénario différent en quart de finale à Munich où, malade, c’est lui qui doit cette fois abandonner ses coéquipiers à la pause.
Mais sur lequel des deux postes a-t-il été le plus performant ? Le site whoscored.com le crédite d’un rating de 6.93 comme défenseur central contre 6.59 comme latéral gauche. Même s’il faut prendre avec précaution ce type de notation, cela donne une première idée. En outre, sa moyenne en tant que central est pénalisée par les deux matches où il a été expulsé (contre Metz et à Monaco).
C’est un peu le paradoxe de Diallo cette saison : il a semblé très à l’aise en défense centrale mais c’est à ce poste qu’il a aussi commis les plus grosses bourdes. A gauche, ses prestations ont été peut-être plus neutres, mais c’est de cette position qu’il a offert deux passes décisives : la première, même si on peut avoir des doutes sur l’aspect volontaire de sa remise pour Marquinhos, à Manchester United ; la seconde, plus classique, avec un centre pour Kean à Dijon.
Avec deux passes décisives, il est d’ailleurs le défenseur central le plus productif dans ce secteur cette saison puisque seul Marquinhos en a également une à son actif.
Son jeu vers l’avant
Que ce soit en tant que défenseur central ou latéral, il y a un domaine où Diallo a particulièrement marqué les esprits et s’est distingué des autres défenseurs centraux (au moins Kehrer et Kimpembe), c’est le jeu vers l’avant.
La tête haute, sa préoccupation première balle au pied est de chercher un partenaire devant lui. Là où d’autres privilégient la sécurité et la passe latérale ou en retrait, Diallo a souvent cherché à jouer devant lui. Des initiatives plus risquées mais aussi plus dangereuses pour l’adversaire. On n’avait tellement plus l’habitude de voir des arrières latéraux ou centraux prendre des initiatives balle au pied que ses différentes chevauchées ont particulièrement marqué les esprits.
Plusieurs « datas » témoignent de cette volonté d’aller de l’avant, à commencer par les dribbles. Certes, en ayant évolué comme latéral, il bénéficie d’une sorte d’avantage comparatif par rapport aux autres centraux. Mais même de sa position axiale, il n’a pas hésité à éliminer son vis-à-vis pour faire avancer le ballon.
En additionnant le championnat et la coupe d’Europe, il a tenté 36 dribbles. C’est plus que les trois autres centraux de notre étude réunis (31). Son taux de réussite avoisine les 70 %, ce qui est tout à fait correct, même si en baisse par rapport à la saison dernière (84 %).
Il a été jusqu’à réussir 4 dribbles au cours d’un match (à Dijon), et il n’y a que quatre Parisiens qui ont fait mieux cette saison sur une rencontre (Neymar, Mbappé, Draxler, Verratti). Il n’a pas réservé ses prises de risques pour les matches tranquilles de Ligue 1 : en Champions League, il a réussi huit de ses onze tentatives dont trois sur quatre à Old Trafford.
Autre indicateur, encore plus parlant pour illustrer son souhait de jouer vers l’avant : son jeu de passes. Déjà, avec 4 passes longues tentées toutes les 90 minutes, il figure au 7ème rang de l’effectif total parisien, et est le 2ème central après Marquinhos.
En outre, il se montre très adroit dans l’exercice puisqu’il en a réussi 71 %, soit le deuxième taux de l’ensemble des Parisiens, derrière Rafinha. Face à Dijon, il en a réussi 7/7, soit le plus haut total d’un Parisien cette saison sans échec.
Son jeu long lui permet notamment de faire progresser le ballon. On le voit avec l’indicateur des mètres gagnés par la passe : il fait en moyenne avancer le ballon par la passe de 450 mètres par rencontre. Au sein de l’effectif parisien, il n’y a que Paredes (522 mètres) et Verratti (458) qui font mieux !
Cette prise de risques n’entraîne d’ailleurs pas spécialement de déchet puisqu’il tourne, toutes passes confondues, à 93.1 % de réussite. Sur l’ensemble de la Ligue 1, il n’est devancé que par Kimpembe et Denayer.
Par la conduite de balle aussi, il cherche à amener le danger. Il est crédité de 171 mètres gagnés/90 minutes, soit le 7ème rang de tout l’effectif du PSG.
Au total, les 620 mètres qu’il a fait gagner au ballon le situent au 4ème rang, juste derrière Marquinhos. Une belle performance.
A deux reprises cette saison, il a dépassé les 600 mètres gagnés par la passe (à Montpellier et à Nantes). Dans les deux cas, il était défenseur central. Il a même failli atteindre les 1 000 mètres gagnés en tout (passes et conduite) mais s’est arrêté à 944 à Montpellier. D’ailleurs, si l’on ne retient que ses matches en tant que central, il devance Marquinhos (676 contre 636).
Paradoxalement, sa moyenne de mètres gagnés a baissé par rapport à la saison dernière puisqu’il était à 757 mètres (dont 518 par la passe). Il n’y avait d’ailleurs que Thiago Silva pour le devancer au global en 2019-2020.
Une dernière stat pour finir d’illustrer combien Diallo est un joueur précieux dans l’effectif parisien : 36 % des mètres parcourus par ses passes l’ont été en direction du but. C’est le plus haut taux parmi l’ensemble des joueurs parisiens et traduit bien sa volonté de créer le danger et de ne pas effectuer des passes neutres.
L’année dernière, Neymar l’avait légèrement devancé. Il a pris sa revanche cette saison puisqu’il devance le Brésilien ainsi que Di Maria.
On a moins aimé
Ses expulsions
Si la première expulsion, face à Metz en tout début de saison, fut au final sans gravité (et en outre assez litigieuse) puisque le PSG finira par l’emporter, la seconde à Monaco s’avèrera au final lourde de conséquences. Dans ce match de la 11ème journée de Ligue 1 que le PSG maitrisait dans un premier temps (2-0 à la pause) avant de se voir remonté à 2-2, il va, sur la même action, offrir le pénalty du 3ème but et de la victoire à Monaco et se faire expulser pour la seconde fois de la saison.
Son action à Louis II est à ranger dans la catégorie « grosse cagade », voire « Video Gag » : alors qu’il reste moins de 10 minutes à jouer, en voulant relancer il marche sur le ballon et se le fait subtiliser par Volland. Ce dernier joue alors bien le coup en positionnant son corps entre le ballon et Diallo puis en tombant suite à un léger accrochage du défenseur Parisien. Triple peine : carton rouge, pénalty et défaite pour Paris face à ce qui sera un des concurrents au titre de champion de France.
Dans cette saison aux 11 cartons rouges pour le PSG (Ligue 1 et Ligue des Champions confondues), il n’est pas le seul à avoir été expulsé deux fois puisque c’est aussi le cas de Neymar, Kimpembe et Gueye.
C’est en revanche un première pour lui, même s’il avait déjà été expulsé avec Dortmund face à Hoffenheim en 2018-2019.
Son ratio de cette année où il a connu deux cartons rouges et un jaune en Ligue 1 pour 17 fautes commises témoigne bien de ce qu’il est : un joueur propre sujet à des fautes de concentration qui peuvent l’amener à commettre des erreurs qui coûtent chères.
Les ballons perdus
Résumer la saison de Diallo à son action malheureuse à Monaco (son club formateur) où il enchaîne ballon perdu, faute dans la surface, pénalty, carton rouge, serait vraiment réducteur. Néanmoins, cette action n’est pas si anodine que cela sur les axes de progression de l’international sénégalais.
En effet, avec 7.2 ballons perdus par 90 minutes, il est le défenseur central le moins performant dans ce domaine.
Rapporté à son nombre de ballons touchés, cela signifie qu’il rend à l’adversaire près de 9 % des ballons qu’il joue. C’est là encore moins bien que ses trois collègues défenseurs centraux.
Il est bien entendu pénalisé dans cette comparaison par le fait d’avoir évolué une partie de la saison en tant qu’arrière gauche. La probabilité de perdre le ballon étant plus importante à ce poste qu’en charnière centrale.
Ses quatre plus mauvais matches en la matière sont même des rencontres où il évoluait comme arrière gauche : 16 ballons perdus contre Nantes, 13 à Dijon, 11 contre Lille et 9 à Brest. Quatre matches avec Pochettino comme coach d’ailleurs (avec Tuchel cette saison, il n’aura joué latéral qu’une seule fois, en Champions League).
L’écart de performance selon le coach est important mais doit être relativisé par le fait d’avoir majoritairement joué latéral sous Pochettino et central sous Tuchel.
Néanmoins, alors qu’il dégage beaucoup de sérénité balle au pied, et qu’il a, on l’a vu, des stats à caractère « technique » de haute volée (93 % de passes réussies, 71 % pour le jeu long…), son péché mignon est de rendre un peu trop fréquemment le ballon aux adversaires. La contrepartie d’une plus grande prise de risques que ses collègues défenseurs.
Bilan : 6/10
La saison d’Abdou Diallo n’est pas simple à évaluer. Il a été un joueur marquant, mais à la fois pour de bonnes (son entrée face à Barcelone, ses passes décisives) et de mauvaises raisons (le pénalty provoqué à Monaco, ses expulsions).
Le bilan reste néanmoins nettement positif. La sérénité qu’il dégage, son souci de jouer vers l’avant et sa capacité à évoluer à plusieurs postes en font un joueur précieux. Alors que l’on pouvait se demander en fin de saison dernière si Diallo avait réellement la capacité à jouer un rôle dans un effectif comme celui du PSG, la question ne se pose plus vraiment désormais.
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