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Analyses Saison 2021-2022

Gianluigi Donnarumma, questions pour un champion (d’Europe)

L’arrivée du gardien de but italien Donnarumma au PSG cet été a soulevé et soulève encore beaucoup de questions : que vaut-il vraiment ? Fallait-il le recruter, même gratuitement ? Est-ce un affront pour Navas ? Et d’autres encore. En s’appuyant notamment sur les stats des deux joueurs, nous allons y répondre.

QuestionsRéponses
Donnarumma est-il un bon gardien ?Oui
Le PSG a-t-il eu raison de le recruter ?Oui
Navas méritait-il cela ?Non, mais…
Navas et Donnarumma peuvent-ils cohabiter ?Oui, sous certaines conditions

Donnarumma est-il un bon gardien ?

La première question, assez légitime, que l’on se pose concernant « Gigio », c’est son niveau. Et pour le coup, la réponse est assez simple. Oui, Donnarumma est un grand gardien. Et pas que par la taille (1.96 m). S’il a été élu meilleur joueur de l’Euro, ce n’est pas seulement en raison des tirs au but stoppés en phase finale (il a repoussé 5 des 9 tirs au but en demi-finale puis finale).

Toutes ses stats de la compétition européenne remportée par sa sélection sont excellentes : seulement 4 buts encaissés en 7 matches, 18 arrêts sur les 24 tirs cadrés subis (75 % d’arrêts), et 5.5 Post Shot Expected Goals. Cette dernière data signifie qu’un gardien « lambda » aurait encaissé 5.5 buts compte tenu de la qualité des frappes adverses, alors que lui n’est allé chercher le ballon dans son but que 4 fois.

Attardons-nous quand même sur ses stats de pénaltys car sa performance à l’Euro était dans la lignée de ce qu’il a produit par le passé avec le Milan.

Le graphe ci-dessous témoigne des exploits de l’Italien dans cet exercice : en cinq saisons, toutes compétitions confondus, il a repoussé (ou le tireur a raté de la cadre) 14 des 40 pénaltys qu’il a eus à affronter.

Un taux de succès de 35 % qui, en outre, n’inclut pas les tirs au but de l’Euro. Ce taux de succès de 35 % le situe au-dessus de la moyenne des gardiens (un pénalty a en moyenne 76 % de chances d’être marqué) et légèrement au-dessus de Navas (32 % en carrière).

Son mètre quatre-vingt seize est une arme redoutable dans ce type de un contre un. Et comme, en outre, il va très vite au sol et qu’il a de très bons réflexes, il est devenu un spécialiste des pénaltys repoussés.    

Il fait même encore mieux lors des séances de tirs au but puisqu’outre les deux de l’Euro, il en a disputé trois avec le Milan et a arrêté 14 des 33 tirs au but. Un taux de réussite exceptionnel de 42 % dans cet exercice !

Mais il n’y a pas que les pénaltys que le grand Italien arrête : en six saisons de série A, il a stoppé 74 % des tirs cadrés qui se sont présentés à lui. C’est bien ? Oui, en carrière en championnat, Navas fait à peine mieux (75 %).

Un autre indicateur plus pertinent que le pourcentage de tirs arrêtés permet de mesurer le talent de « Gigio » : l’écart entre les buts encaissés et les Post Shot Expected Goals :

Sur les quatre saisons où la data est disponible, il y en a trois où il fait mieux que le modèle et a donc rapporté des points à son équipe. Ces trois dernières saisons, il a encaissé 9.7 buts de moins que ce que le modèle prévoit compte tenu des frappes subies. C’est un excellent résultat. Sur la même période, Navas affiche par exemple un différentiel de seulement plus 2.8.

Les stats à disposition pour évaluer les gardiens ne sont pas légion mais elles témoignent d’un gardien avec beaucoup de qualités. Si l’on veut faire le difficile, on mettra en avant que son jeu au pied semble perfectible. C’était déjà visible à l’œil nu et les datas le confirment : son taux global passes réussies en carrière est de 76.2 %, ce qui est perfectible. Il y a néanmoins fort à parier que ce ratio progressera au PSG, comme ce fut le cas pour Navas qui était à 85.6 % la saison dernière contre 65.9 % en carrière.

Le PSG a-t-il eu raison de le recruter ?

Là encore, la réponse est facile. Oui, bien sûr. Il a 22 ans et représente, sauf blessure, l’avenir à ce poste pour les dix prochaines années. Il était en fin de contrat donc Paris n’a pas eu à dépenser d’indemnité de transfert. Et covid oblige, personne ne pouvait s’aligner sur le salaire proposé par le PSG (on parle de 7 M€ nets annuels).

Ne pas saisir cette occasion, cette « opportunité » comme on a beaucoup dit, eut été une erreur à moyen terme c’est certain. Le PSG a tellement galéré sous QSI (et même avant…) avec ses gardiens pour ne pas laisser passer un tel joueur.

Sportivement, on a vu ci-dessus qu’il s’agissait d’un joueur de haut niveau. Donc l’apport est évident. Et financièrement, son arrivée est aussi une affaire. En effet, arrivé « gratuitement » (hors prime à la signature), il est valorisé par Transfermarkt à 65 M€ ! Même s’il faut se méfier de ce type d’estimation, cela signifie que Paris a acquis pour 0 € un joueur qui en vaut 65 M€. Signalons au passage que cela fait de lui, selon le même site, le deuxième gardien du monde en terme de valorisation :

Sa dernière saison avec le Milan et son titre de MVP de l’Euro ont encore logiquement fait grimper sa cote puisqu’il était évalué à 50 M€ il y a un peu plus d’un an.

Donc sportivement et financièrement, la pertinence du recrutement de l’ancien Milanais ne fait aucun doute.

Et humainement ?

Navas méritait-il cela ?

On sait que le côté humain ou sentimental a peu de place dans le football d’aujourd’hui. Et encore moins dans le PSG de QSI (cf. les décisions de Leonardo de se séparer de ses compatriotes Nené, puis Thiago Silva), mais quand même… On comprend l’amertume et l’incompréhension qu’a dû ressentir Navas quand il a appris la nouvelle.

Leonardo ne fait pas de sentiment, c’est clair. Et, peut-être, d’ailleurs, encore moins avec quelqu’un qui lui aurait tenu tête en réunion il y a quelques temps. Pourtant Navas restait sur une saison de toute beauté, au point que certains en font même le meilleur Parisien de la saison écoulée.

En fait, c’est surtout vrai de sa première partie de saison. Après 20 matches, le PSG avait la meilleure défense de Ligue 1 avec seulement 11 buts encaissés. Mais, si l’on se fie aux expected goals, l’équipe de la capitale aurait dû encaisser 21.5 buts, soit près de deux fois plus. Et Navas présentait, à ce moment là de la saison (c’est-à-dire mi-janvier), un différentiel de 5.1 entre les buts qu’il aurait dû prendre (les Post Shot Expected Goals, PSxG) et ceux qu’il avait réellement encaissés.

On s’était d’ailleurs interrogé à l’époque sur la capacité de Navas à faire perdurer cette anomalie statistique. Le fait est que sa seconde partie de saison est moins bonne et qu’il n’a pas pu maintenir un tel niveau de performance tout l’exercice. La preuve, il finit la saison 2020-2021 avec un différentiel de 4 entre les PSxG et les buts encaissés. Cela signifie qu’à partir de la 21ème journée, il a encaissé plus de buts (1.1) que ce qu’il « aurait dû » compte tenu des frappes adverses.

Le récapitulatif par match ci-dessous indique en bleu les matches où il a « sur-performé » (moins de buts pris que le modèle) et en rouge les matches où il a au contraire « sous-performé ».

Le premier match sous Pochettino, qui est aussi le premier match de l’année 2021 est celui de St Etienne. Il n’y a donc que 6 matches sur 17 en 2021 (dont les 3 premiers) où Navas a pris moins de buts que ce que prévoit le modèle statistique (en bleu sur le graphe), contre 8 en 12 rencontres avant le changement de coach.

Plus problématique encore, sur les treize derniers matches de la saison en championnat, son ratio est défavorable (11 buts encaissés pour 10.1 PSxG). Ce phénomène est confirmé par son taux d’arrêts : 84 % jusqu’à la 21ème journée, 77 % ensuite.

D’ailleurs, alors qu’il a longtemps figuré sur le podium des gardiens évalués avec ces stats avancées (par le site fbref.com), au final, il n’est que 15ème parmi les gardiens des cinq principaux championnats européens. Même en Ligue 1, il a fini par se faire dépasser par Maignan.

Après un excellent début de saison, Navas a donc accompli une deuxième partie d’exercice globalement moyenne.

Au crédit du Costaricien, on ajoutera quand même qu’en Champions League, il présente un ratio très favorable (3.1 buts évités), qui en fait le 4ème meilleur gardien de la compétition derrière Neuer (Bayern), Bürki (Dortmund) et Courtois (Real).

Pour finir avec Navas, on mettra en évidence qu’il s’agit de son meilleur exercice depuis que la stat des PSxG est disponible, et que la saison dernière, il avait carrément pris plus de buts que ce que le modèle prévoit compte tenu des tirs pris par les adversaires.

Notre propos était de démontrer que Navas, aussi bon soit-il, a aussi connu des périodes de creux et a été beaucoup moins décisif en deuxième partie de saison. Les buts encaissés face à City en demi-finale de Ligue des Champions interviennent d’ailleurs dans une période où il était moins bien (et cela fut flagrant lors de cette double confrontation).

Outre sa baisse de régime en 2021, Navas a aussi connu plusieurs blessures durant la saison. Transfermarkt en recense sept !

Il a ainsi manqué 11 matches la saison dernière avec le PSG et n’a pas en outre participé aux matches internationaux avec le Costa Rica à l’intersaison en raison d’un problème à l’épaule.

Moins décisif, en partie fautif contre City et des incertitudes physiques, surtout à son âge : voilà une combinaison de facteurs supplémentaires ayant certainement incité les dirigeants parisiens à recruter Donnarumma.

Navas et Donnarumma peuvent-ils cohabiter ?

Dans un monde idéal, l’ancien, Keylor Navas, 34 ans, expérimenté, au palmarès long comme le bras (notamment 3 Ligue des Champions), taulier du groupe, adoube le « petit nouveau », douze ans plus jeune que lui et facilite son intégration au club. Il pourrait même lui donner des conseils, lui transmettre une partie des compétences qui lui ont permis de durer et de réaliser cette belle et longue carrière.

Mais, évidemment, le foot n’appartient pas, ou rarement, à ce monde-là. Ici, c’est plutôt chacun pour soi, guerre d’egos et concurrence exacerbée.

Le presse ne rapporte à ce jour aucune tension entre les gardiens, mais il y a peu de chances que cela dure. Il y en a forcément un qui va moins jouer que l’autre, les médias vont en faire des tonnes sur leurs éventuelles bourdes et cela peut vite dégénérer. Surtout que Navas a montré par le passé que ce n’était pas un tendre et qu’il avait la voix qui portait, tandis que Donnarumma, en venant relever ce challenge de prendre la place de Navas, a montré qu’il avait aussi du caractère et des ambitions importantes. L’Italien, champion d’Europe, six années de Calcio derrière lui à seulement 22 ans, est là pour jouer et non pour apprendre aux côtés d’une légende du poste.    

Tous les ingrédients semblent donc réunis pour rendre le cocktail explosif. Cela va forcément mal finir. Le vestiaire va inévitablement se diviser entre les pros-Navas (la colonie espagnole) et les défenseurs de l’ancien Milanais (Verratti ?) et l’ambiance risque d’en prendre un coup.

C’est pourquoi la concurrence que semble vouloir mettre en place Pochettino nous paraît trop risquée. Outre le fait qu’elle peut très bien fragiliser les deux joueurs et amoindrir leurs performances, elle ne paraît pas saine et même carrément ingérable. Le staff saura-t-il vraiment gérer ce sujet brûlant de management (en plus du reste) ?

Alors, comment faire ? La réponse, pendant un an, nous paraît pourtant évidente : il faut répartir les compétitions entre les joueurs. Cela apporte de la clarté et une solution simple aux problèmes évoqués ci-dessus.

En répartissant les compétitions entre les deux acteurs, Pochettino ferait baisser la tension, apporterait de la sérénité et du confort à une situation qui, sans cela, a tout pour être rapidement délétère. Ainsi, les deux joueurs auraient connaissance des règles du jeu, basiques, et pourraient envisager la saison à venir sans stress inutile ni concurrence exacerbée.

L’expérience a déjà été tentée ailleurs, notamment en Espagne. Et elle a fonctionné au moins à deux reprises : en 2014-2015, le Barça de Messi et Neymar (tiens tiens…) a remporté la Champions League (et la Coupe du Roi) avec Ter Stegen dans les buts et la Liga avec Claudio Bravo. Cette année-là, les Blaugranas n’ont d’ailleurs encaissé que 21 buts en championnat et 11 en 13 matches européens (dont 4 par le PSG…)

Les Barcelonais ont en fait à cette occasion copié l’initiative de la saison précédente chez le rival madrilène : en 2013, Ancelotti avait attribué la plus prestigieuse compétition à Casillas et le championnat d’Espagne à Claudio Lopez. Là encore, pour un résultat assez sympathique puisque les Madrlènes ont remporté cette année-là leur 10ème Champions League…

Les conditions pour que cela fonctionne : que cela soit annoncé clairement en début de saison et que cela ne dure qu’un an. On imagine en effet qu’ensuite, le manque de matches et la pression en Ligue des Champions deviennent trop pesants.

Si le club parisien, qui a connu par le passé des concurrences entre gardiens problématiques (cf. Trapp et Areola), s’oriente vers ce choix, quelle serait la meilleure répartition ?

A notre avis, compte tenu de l’âge respectif des deux hommes, de leur pedigree et de la fragilité physique de Navas, le costaricien devrait se voir attribuer la Champions League. Il connaît parfaitement l’épreuve, a moins besoin de faire ses preuves que Donnarumma et a montré par le passé qu’il savait comment gagner la coupe aux grandes oreilles. Pour parvenir à un nombre de matches un peu plus important, il pourrait aussi jouer la Coupe de France.

Donnarumma, pour une première saison chez un grand d’Europe (oui, c’est vrai, cela fait bizarre d’écrire ça pour un joueur venant du Milan AC pour aller au PSG…), pourrait se contenter, en guise d’acclimatation, de jouer la Ligue 1. Il découvrirait les ambiances, les pelouses et les effectifs de notre beau championnat de France dans la peau du titulaire et prendrait sagement place sur le banc en Champions League, en attendant son tour la saison prochaine.  

Cela nous paraît être la seule solution viable pour gérer ce « problème de riche ». Sinon, il y a fort à parier que Paris est de nouveau parti pour vivre un drame à l’italienne… Ou à l’italo-costaricienne !

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